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Naples à Paris: une exposition au musée du Louvre 

Pas besoin de prendre le train pendant dix-sept heures pour découvrir les joyaux de la peinture napolitaine du XVe au XVIIe siècle! Il suffit d’une réservation au jour le jour et d’un court trajet en métro pour voyager à travers l’art. Personne ne pourra dire qu’il n’y a rien à faire à Paris pendant les vacances.

Par un temps brumeux, sous une fine pluie, nous traversons le jardin des Tuileries et ses arbres ornés des plus belles parures automnales. Voilà au loin le musée du Louvre, édifice imposant et majestueux, surplombant sa pyramide de verre. Une demi-heure plus tard, nous sommes à l’abri dans le musée, et nous cherchons à comprendre l’objet de l’exposition que nous nous apprêtons à découvrir.
Naples à Paris rend compte d’un partenariat entre le plus grand musée français et le Capodimonte : ce dernier est une ancienne résidence de chasse des souverains Bourbons au cœur de Naples. Le palais abrite aujourd’hui l’un des plus grands musées d’Italie, qui est l’un des seuls à présenter l’ensemble des écoles de la peinture italienne. Une soixantaine d’œuvres a été déplacée au Louvre, offrant aux parisiens et aux touristes la chance de contempler des peintures splendides et aux immenses valeurs artistiques et historiques jusqu’au 8 janvier 2024. 

L’exposition commence dans le salon carré du musée. Les œuvres exposées sont pour la plupart des peintures religieuses des XV et XVIe siècles. Beaucoup sont constituées d’un fond en feuille d’or et de sujets bibliques tels que la crucifixion, la vierge à l’enfant ou encore la vie de saints. Le chef d’œuvre Crucifixion de Masaccio, peint en 1426, retient l’attention des visiteurs: il représente la mort du Christ pleurée par Sainte Marie, Marie Madeleine et Saint Jean. Il est particulièrement intéressant de constater que ces mêmes sujets apparaissent différemment dans les différentes peintures, selon la technique et l’interprétation du peintre. Parmi la vingtaine de vierges à l’enfant que nous avons vues, le visage de Jésus n’est jamais le même, plus ou moins potelé et attentif, tout comme celui de sa mère, qui peut être maigre et sans expression aussi bien que riant et rose. Ces œuvres nous donnent aussi à découvrir une autre fonction de l’art que celle que nous connaissons aujourd’hui, puisque la peinture est à ce temps-là un outil religieux qui doit encourager les catholiques à la foi et à la prière. 

Dans la grande galerie, les œuvres napolitaines sont mêlées et dialoguent avec les collections permanentes du Louvre. Ici, les peintures sont un peu plus récentes, datant plutôt des XVI et XVIIe siècles. L’école napolitaine, proche du baroque et du rococo, est largement présentée et mise en valeur, à travers des peintres comme Jusepe de Ribera, Francesco Guarino ou encore Mattia Preti. Dans un jeu admirable d’ombre et de lumière, la toile de Caravage la Flagellation (1607) se distingue également dans l’exposition: bien que marquée par une grande violence, elle sublime l’attitude humble et résignée du Christ, dont le corps blanc et endolori semble briller. 

Nous contemplons attentivement l’émouvante Pietà de Carrache, sur laquelle la vierge Marie exprime un désarroi intolérable, et une incompréhension désolée devant la cruauté des hommes. Une autre œuvre marquante s’intitule Notre-Dame du Rosaire, et a été réalisée par Luca Giordano en 1685. Une harmonie géométrique parfaite, une composition subtile de couleurs bleutées et la beauté générale du physique des protagonistes nous plongent tout entiers dans cette scène de tendresse et de majesté divine. Juste en face, la Circoncision du Baroche (1590) égaye les visiteurs par ses douces couleurs pastel et son atmosphère fumeuse qui s’inscrit parfaitement dans le caractère à la fois intime et solennel de la scène représentée. Cette œuvre a été commandée par la Confrérie du nom de Jésus, car c’est en effet au moment de la circoncision que le nom de l’enfant lui a été donné. Enfin, quelques natures mortes closent notre visite, dont une de Brueghel et Ruoppolo: Nature morte avec fruits et fleurs, qui représente une dégringolade d’aliments rutilants de couleurs vives, dont les teintes s’harmonisent entre elles, et nous donnent l’eau à la bouche. Cette composition met en valeur quatre cédrats situés en bas du tableau par un ingénieux jeu de lumières. 

Après cette traversée entre les siècles, les styles et les genres, nous prenons conscience de  l’envergure de l’histoire picturale italienne. Nous avons même trouvé le temps de discuter avec un vieux monsieur, qui, assis sur son tabouret, reproduisait Saint Nicolas en extase sur son calepin. Il nous encourage à dessiner plus souvent et explique très justement que nous pouvons aussi, en plus d’être de simples contemplateurs, nous inspirer de ce que nous voyons pour nous exprimer. Découvrir Naples à Paris, c’est voir mille couleurs, des représentations diverses d’un même thème, s’ouvrir à de nouvelles dimensions historiques et artistiques inconnues, et c’est aussi nourrir son esprit d’inspiration et de beauté. 

A vous maintenant de fixer votre avis propre sur cette prestation artistique, qui se tiendra au musée du Louvre jusqu’au 8 janvier 2024. Le site est ouvert tous les jours de 9h à 18h, et jusqu’à 21h45 le vendredi. Inutile de se poser cinquante questions : il suffit de partir, sentir en soi la soif d’en savoir plus sur ce qu’on ne connaît pas et finir par découvrir les merveilles picturales conservées miraculeusement depuis six siècles. 

Béatrice Bobtcheff, T2