Il y a eu l’annonce. Celle que toustes les lycéen·nes attendaient, fébriles face à leur futur incertain. Le verdict est tombé : un baccalauréat en contrôle continu et des cours jusqu’à début juillet. Cris de joie. Soulagement. Soupirs de contentement. Ou encore désespoir de se rattraper. Un potpourri d’émotions diverses, saupoudré de folie camisolée derrière les fenêtres des appartements clos. Cependant, au creux de mes oreilles, seul un bourdonnement indistinct règne. Ce vide. Immense. Avachi sur mon lit, je phase. Le regard larmoyant à la lumière du soleil timide de ce vendredi 3 avril. Mon lycée se finit ainsi. Quinze ans de scolarité dans l’expectative de ce premier examen. De ce rite de passage. De mon existence subsiste une case blanche. L’année de ma majorité. Celle qui devait se solder par un immense feu de joie, s’éteindra dans le silence mortuaire de la crise sanitaire. Au sein du tourbillon qu’est le COVID-19, je me rattachais à l’idée vaine d’un retour possible au normal. A la routine rouillée qui, autrefois, me faisait saigner des orbites. Dans cet espoir naïf, j’avais mué le bac ainsi que ses fidèles acolytes que sont soirées de promotion, dernière journée de cours et autres plaisantins, en des points de repère. Droits et fiers dans la tempête anxieuse de la pandémie. Tout semble s’effondrer. A quoi cela sert-il ? Les premières promesses de fêtes dantesques, en honneur de la fin du confinement, ont cédé leur place à des pronostics de sorties de plus en plus pessimistes. Les chiffres croissent. Les hôpitaux s’épuisent. La santé mentale est partie aux Bahamas, sans laisser de traces. L’année de nos dix-huit ans. Celle de tous les excès. Nos projets d’été doux, aux relents de renouveau, se heurtent à la réalité aride. Non, je ne regrette pas le stress des épreuves. Oui, je suis satisfait que mon travail paie. Cependant, je n’arrive pas à me détacher de cette sensation étrange. Comme d’une musique dont la dernière note serait éternellement maintenue. Il n’y a pas de clôture. Moi qui désirais tourner la page de cette jeunesse balbutiante, je suis bloqué face au livre grand ouvert dont le point final est absent. Je suis sûrement le seul à être agité de cette réflexion tordue. Je n’en ai cure. Il fallait que je mette des mots là-dessus. Pour moi. Pour celleux qui se sentent incompris ou illégitimes. Pour ancrer dans le réel ces semaines suspendues.
Par S. O.