Paradoxe
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Gargantua, ou la morale cachée d’un glouton farceur

La classe de Première 2 de l’ENC a eu la chance d’assister à la pièce Gargantua qui  est actuellement jouée au Théâtre de Poche Montparnasse, mise en scène par Anne Bourgeois et interprétée par Pierre-Olivier Mornas, seul sur scène. 

Dans la salle rustique mais confortable du Théâtre de Poche, même mal assis sur des bancs en velours rouge, nous avons tous ri au moins une dizaine de fois, mais nous avons profité d’une fin plus sérieuse et qui est peut-être plus à retenir que tout le reste. 

Le lien pour réserver vos places 👉 : 
https://www.theatredepoche-montparnasse.com/spectacle/gargantua/

Gargantua, fils de Grandgousier et Gargamelle, se révèle, dès sa naissance, être un géant ayant soif de vin autant que de savoir, passant autant d’heures à table qu’à son étude. Humour déjanté, batailles sanglantes mais aussi humanisme sont les grands thèmes de cette œuvre devenue un classique, réadaptée brillamment au théâtre de Poche…

A priori, l’œuvre semble être une comédie, ni plus ni moins, d’un humour grotesque, absurde, enfantin, et tellement familier qu’il frôle le vulgaire parfois, mais seulement parfois. Il faut aimer cet humour si particulier. Mais ce sont des yeux d’enfants qui brillent de rire, partout dans la salle, il n’y a plus d’adulte. Il est impossible de rester sérieux, car le récit est un retour à l’esprit de l’enfance, c’est un conte qui détend la mâchoire au début et l’esprit à la fin.
D’ailleurs, cette seule phrase suffit à résumer l’esprit général des trois premiers quarts d’heure : “J’affirme et soutiens qu’il n’existe pas de meilleur torche-cul qu’un oisillon bien duveteux.”

L’interprétation proposée par Pierre-Olivier Mornas est très convaincante – il a un talent de conteur et de comédien qu’on ne remettra pas en cause – mais elle est en plus nouvelle : le fait qu’il prenne le rôle de l’auteur, François Rabelais, est un avantage car elle fait de lui un narrateur omniscient, qui maîtrise l’histoire qu’il a écrite, de la même manière que l’acteur maîtrise un rôle qui a été fait par lui et pour lui.

De plus, cette interprétation place au cœur de la pièce la vertu cathartique et éducative enseignée par toute l’œuvre de Rabelais, grand humaniste du XVIe siècle.

En effet, tout d’abord, si Gargantua a un grand estomac, il n’en demeure pas moins qu’il a un grand cœur. 

On retiendra donc ici ses quatre qualités : 

  • D’une part, l’obéissance : il revient défendre les terres de son père après que ce dernier le lui a demandé.
  • D’autre part, la curiosité : si son premier maître, Holoperne, a des méthodes dépassées et sans intérêt, il apprend tout, vite, et sans hésiter, et il en fait de même pour Ponocrates, son second précepteur.
  • De plus, la bonté : il gracie les survivants de l’ultime bataille contre les troupes picrocholines.
  • Et enfin, à son insu, l’humour bien sûr.

En outre, Gargantua est un roman qui traite de l’éducation,  mais ce thème n’est qu’un prétexte pour exposer les méthodes humanistes défendues par l’auteur, le livre est presque devenu un traité d’éducation idéale : 

“ Il le soumit à un rythme de travail tel qu’il ne perdait pas une heure de la journée mais consacrait au contraire tout son temps aux lettres et aux études libérales”, et plus loin : “Puis avec son précepteur, il récapitulait brièvement, à la mode des Pythagoriciens, tout ce qu’il avait lu, vu, su, fait et entendu au cours de toute la journée.” 

Une éducation archi-complète, qui mettrait en contact avec le plus de sciences possibles, lettres, religion, arts, culture, astrologie, jeux, et j’en passe…

Telle est l’ambition des humanistes au XVIe siècle, celle de révolutionner l’éducation en la rendant la plus complète possible.

Les comiques de situation, de répétition, de geste, de mœurs et de caractère, et le jeu d’acteur ne sont que le support d’une morale bien plus profondément ancrée, celle d’une éducation humaniste utopique, dispensée par Ponocrates, qui se révèle au fil de l’œuvre être un miroir de Rabelais, de même que nous le sommes de Gargantua. C’est donc un classique à (re)découvrir, plein de surprises, beaucoup de rires et un peu de sérieux !

Pour qui ?Toute personne ayant le sens de l’humour et plus de 10 ans
Avec qui ? En famille, entre amis…
Quand ?Du mardi au samedi 19h, dimanche 15h
Où ?75 boulevard du Montparnasse, VIème arrondissement
Les + Très drôle, très bien interprétée, bonne durée (1h10), très bonne mise en scène…
Les –Il ne faut pas être dérangé par l’humour familier voire grossier de l’œuvre, salle peu confortable (mais c’est un simple détail)
Note 4,75/5P

Emmanuel Peltier, P2