Vous avez déjà peut-être remarqué ou vécu la scène au restaurant où la commande est très longue à une autre table, le serveur fait plein d’allers-retours en ramenant une carte des allergènes… Et bien, c’est ma vie car je suis allergique. Souvent la question qui vient après est « à quoi ? » et quand je sors ma petite liste que j’ai dû répéter maintes fois, les yeux s’arrondissent : je suis allergique au lait de chèvre, de brebis, à la moutarde, aux pignons de pin, aux noix.
On emploie parfois ce mot à tort et à travers. Par exemple, je préfère utiliser « faire une réaction allergique » plutôt que « faire une allergie » qui prête plus à confusion. Il ne faut pas non plus confondre avec une intolérance alimentaire car ce n’est pas causé par une réaction immunitaire et ne met pas la santé en danger.
L’allergie est un phénomène de plus en plus courant dans notre société. D’après les statistiques de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les allergies représentent aujourd’hui la quatrième maladie chronique dans le monde après les cancers, le sida et les maladies cardio-vasculaires. Près de 30% de la population mondiale souffre aujourd’hui d’allergies qu’elles soient respiratoires, alimentaires ou cutanées contre 3,8% en 1968. Les allergies alimentaires sont particulièrement fréquentes chez les jeunes enfants. L’OMS prévoit qu’en 2050, une personne sur deux dans le monde souffrira d’allergies !
L’allergie est une maladie chronique causée par une réaction anormale du système immunitaire à cause de substances appelées allergènes ne provoquant normalement rien au corps. L’organisme tente de se protéger en libérant un produit chimique, l’histamine, dans l’organisme qui est responsable des symptômes désagréables ou même dangereux. Il existe plusieurs types d’allergies : les allergies alimentaires (aliments, médicaments), respiratoires (pollen, poils d’animaux), cutanées (piqûres de moustiques) …
C’est assez contraignant. Premièrement, je ne peux pas sortir de la maison sans ma trousse de médicaments (surtout si je sais que je vais manger dehors) qui contient une piqûre EPIPEN au cas où et que je dois savoir me faire toute seule. Après avoir dû la faire une seule fois, cette piqûre me fait un peu moins peur. Deuxièmement, au restaurant, c’est un peu compliqué, il faut tout vérifier ! Parfois, les serveurs oublient que dans la mayonnaise, dans les cornichons, dans la sauce vinaigrette il y a de la moutarde. Je veille à tout, au moindre gâteau qu’on me propose gentiment. Lire les étiquettes est devenu un réflexe. Enfin, à la cantine, je ramène mon repas tous les jours dans un petit sac isotherme car j’ai un PAI (Protocole d’Accueil Individualisé). La cantine, quand j’étais petite, était toujours l’endroit où je recevais des remarques un peu déplacées comme « Oh la chance ! » alors que le lendemain ils mangeaient un gâteau au chocolat sous mon nez. Toutefois, je le vis très normalement et j’ai la chance d’avoir les personnes autour qui sont compréhensives et ne banalisent pas mes allergies contrairement à beaucoup.
J’ai donc toujours eu beaucoup de questions au sujet de mes allergies alimentaires. Par exemple « Qu’est-ce que ça te fait ? ». La réponse est : cela dépend. Il existe des réactions plus ou moins dangereuses selon le taux de l’allergie. Les réactions peuvent être cutanées avec des plaques d’urticaires qui apparaissent, des maux de ventre ou, plus embêtantes, touchant les voies respiratoires : asthme, toux, difficultés respiratoires, voix qui change… La réaction la plus dangereuse se nomme l’œdème de Quincke qui se traduit par un gonflement rapide au niveau de la tête et du cou. J’en ai fait un quand j’étais toute petite. C’est ainsi malheureusement que l’on a découvert mes allergies.
Je me pose moi-même beaucoup de questions. Pourquoi ces aliments en particulier ? Pourquoi mes deux petits frères sont-ils aussi allergiques mais à d’autres aliments alors que dans notre famille il n’y a aucun terrain allergique ? Ces questions restent pour l’instant en suspens. Les médecins sont loin d’avoir tout découvert, tout compris, et d’avoir tous les remèdes. Nous avons tout de même entendu plusieurs théories sur l’apparition de ces allergies. Une des hypothèses, un peu ancienne, était que nous avions grandi dans un univers trop propre et que notre corps, fait pour se défendre contre les bactéries de l’extérieur, a commencé à se battre contre des aliments inoffensifs. Une autre hypothèse était que la peau atopique ne serait pas une conséquence de mes allergies mais plutôt la cause. Un médecin m’avait dit : « Imagine que la peau est un mur de briques mais toi, tu n’as pas le ciment entre les briques. Les briques s’enlèvent très facilement (c’est l’eczéma) et tout peut rentrer dans ton corps. Ton corps se bat alors constamment contre l’extérieur et un jour quand tu es bébé, tes parents touchent ta peau après avoir mangé de la moutarde. Ton corps se bat donc et crée un anticorps contre l’aliment. Cet anticorps reste dans ton corps et lorsque tu remanges de la moutarde, cet anticorps le détecte et se bat contre alors que cela n’a pas lieu d’être. » En ce moment, les scientifiques se penchent sur l’aspect génétique de ce problème.
Les allergies ne sont pas définitives, on peut aussi en découvrir de nouvelles mais elles peuvent partir, avec le temps ou avec une réintroduction, rendue possible si les médecins jugent que le taux défini avec la prise de sang annuelle diminue. Dans un hôpital, des infirmiers donnent au patient l’allergène avec des doses espacées qui augmentent de plus en plus au fur et à mesure. Un médecin m’a dit que la réintroduction « c’est se battre contre son propre corps pour qu’il comprenne que c’est inutile de réagir face à cet allergène et le rééduquer ». La journée de réintroduction n’est pas très agréable mais elle est très utile autant pour la santé que pour le moral. En effet, je peux ainsi discuter librement avec des médecins et des jeunes allergiques de mon âge. Il faut savoir que, après cette journée, cela ne veut pas dire que je ne suis plus allergique à cet aliment mais seulement que je suis désensibilisée et qu’il faut que je continue à en prendre régulièrement à la maison. Pour réintroduire, il existe aussi des médicaments : ce sont des pilules à prendre tous les jours où l’aliment ciblé est présent en très faible quantité et cela habitue le corps. Cela existe pour l’arachide. L’inconvénient est que le patient est obligé de venir une journée à l’hôpital pour aller jusqu’à une réaction très forte dans le but de déterminer après une quantité précise pour les pilules. Ce système n’existe pas par exemple pour le lait de chèvre car tous les tests pour l’instant ont échoué. Cela donne quand même espoir de savoir que des scientifiques s’intéressent particulièrement à cet allergène que j’ai, pour l’instant, peu de chance de pouvoir manger dans ma vie.
En somme, les allergies sont un sujet assez complexe qui devient de plus en plus courant. Je pourrais en parler pendant des heures. Maintenant si vous voyez ce scénario de la commande longue au restaurant, vous pourrez mieux comprendre la difficulté de l’allergique.
Julie Pellen, T 5