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Faut-il travailler le dimanche?

Enquête à Beaugrenelle, Paris 15ème

Qui n’a jamais poussé la porte d’un magasin un dimanche? Comme beaucoup de gens, ça nous arrive parfois de faire nos courses ce jour-là, car nous n’allons pas au lycée le dimanche et les rues sont plus calmes. Seulement, on oublie souvent que le dimanche est historiquement considéré comme un jour de repos, tout du moins dans les sociétés occidentales, dans lesquelles le dimanche est associé au jour du culte catholique. Selon le code du travail, le jour de repos obligatoire hebdomadaire est donc fixé le dimanche, dans l’intérêt des salariés. Le dimanche, chacun reste chez soi : on se repose en famille, ou seul(e), on se détend, on se divertit, on oublie le boulot et un point c’est tout. Pourtant, depuis quelques années, de plus en plus d’entreprises recherchent des salariés consentants à travailler ce jour de la semaine, afin d’augmenter leur chiffre d’affaires en vendant des articles 7 jours sur 7. Cette pratique, conséquence directe de la société de consommation qui est la nôtre, et qui pousse à des achats intempestifs et compulsifs, est critiquée de nos jours, car elle entraverait le droit que devrait avoir tout travailleur de se reposer le dimanche. En même temps, les commerçants en service le dimanche se déclarent souvent volontaires pour travailler ce jour-là, et beaucoup tirent des avantages salariaux de cette situation. Mais ont-ils vraiment le choix ? Sont-ils insatisfaits de leur emploi du temps de travail ? Ou bien tirent-ils au contraire des avantages à travailler le dimanche ? L’équipe de Paradoxe s’est rendue dans le centre commercial de Beaugrenelle, dans le 15e arrondissement de Paris le dimanche 5 novembre 2023, afin d’interroger les commerçants, ainsi que les clients, pour tenter de comprendre ce que chacun pense du travail le dimanche.

 

Etonnamment, nous avons pu constater qu’en majeure partie, ce sont les vendeurs et non les clients qui sont en faveur de l’ouverture des magasins le dimanche. Les commerçants que nous avons interrogés semblaient effectivement satisfaits de leurs conditions de travail. Une employée d’une pâtisserie de luxe parisienne nous a expliqué que travailler le dimanche lui convenait, ses patrons lui laissant la liberté de s’arranger avec ses collègues si un imprévu l’empêchait de se rendre au travail ce jour-là. D’autre part, certains pensent qu’encourager les salariés à travailler le dimanche n’est pas la manifestation d’un manque de respect envers ces derniers, mais qu’au contraire, les commerçants ont eux-mêmes le sentiment d’aider les clients dans leur quotidien en leur proposant leurs services le jour où ils sont plus aptes à faire des achats que les autres jours de la semaine. Une jeune femme travaillant dans une parfumerie nous a dit avoir vu en l’offre d’emploi le dimanche qui se présentait à elle une opportunité de travailler en parallèle de ses études, même si, a-t-elle ajouté, elle aurait préféré travailler en semaine si ses études le lui permettaient. Enfin, pour d’autres, la prime pour le travail le dimanche entre en ligne de compte des critères pour le choix de l’emploi. C’est le cas d’une bijoutière qui dit qu’elle n’aurait pas accepté ce travail si elle n’avait pas pu exercer son activité le dimanche. De plus, ses jours de repos étant le lundi et le mardi, elle ne ressent pas du tout le travail du dimanche comme un fardeau, préférant même être en congé les journées où tous les magasins sont ouverts, pour pouvoir elle-même faire ses propres achats. Les rares commerçants réticents à travailler le dimanche tiennent cela comme injuste, notamment en raison des valeurs traditionnelles du travail qui préconisent le dimanche comme jour de repos pour tous. 

 

Néanmoins, le travail le dimanche remet quand même en question les valeurs qui étaient habituellement associées à ce jour, fondées sur le respect des droits du travailleur. En effet, le dimanche est habituellement un jour de repos, ce qui impose donc le fait de ne pas travailler. Cela permet de se consacrer à des activités (comme être membre d’une association, passer du temps avec sa famille et ses amis), que l’on n’a pas toujours le temps de faire en semaine. Selon une étudiante vendeuse dans un magasin de parfum, travailler le dimanche reste fatiguant, et cela ne rend finalement pas beaucoup de services aux clients. En effet, il y en a moins le dimanche que le lundi par exemple. C’est également ce que nous ont confirmé des employés d’une petite marque de vêtements.

Bien que les salariés soient plus payés lorsqu’ils travaillent ce jour-là, il ne faudrait pas pour certains que ce jour soit banalisé comme un jour travaillé comme les autres. En effet, avoir un jour de repos général permet de structurer la société, et de renforcer les liens sociaux, ainsi que nous l’a précisé une mère de famille venue acheter des livres d’école. De plus, il relève de la liberté des salariés de travailler ce jour-là, et il ne faudrait pas que, pour des raisons de rentabilités, des personnes soient forcées de travailler ce jour-là à cause de conditions financières précaires. Il apparaît que le travail le dimanche devrait rester une exception, consentie par l’employé, et non fortement suggérée voire imposée par l’employeur. 

 

Ainsi, les opinions sont divisées sur le travail du dimanche. Cette question continue de faire polémique dans le débat public, même si certains commerçants semblent s’en accommoder. Toutefois, il est important de noter que ces derniers semblaient tout particulièrement aimer leur métier, expliquant leur  enthousiasme à travailler le dimanche. Avant tout, comme nous a expliqué un couple d’entrepreneurs, le plus important, avant l’emploi du temps de travail, est d’exercer un “métier passion”, pour que chaque jour de travail soit un jour plaisant. C’est pourquoi, jeunes lycéens, nous ne pouvons que vous encourager à faire confiance à vos appétences, et à choisir votre orientation sans négliger vos goûts, car ce sont grâce à eux que vous passerez des jours heureux !

Jean-Baptiste François, Valentine Pagano et Béatrice Bobtcheff