Paradoxe
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Bison Dele, ou la trajectoire NBA la plus abracadabrantesque

Vous pensiez que les mots Madonna, trompette au Liban, disparition en mer à Tahiti et Michael Jordan n’iraient pas ensemble ? Que nenni, Bison Dele a, on peut dire, réalisé ce Grand Chelem pour devenir l’une des énigmes de la Grande Ligue. Voici son histoire.


Des débuts contrastés


Toute bonne histoire a son commencement, et le voici. 1969, non pas année lunaire (quoique vu le personnage) mais celle de naissance de Brian Williams le 6 avril dans la charmante petite bourgade de Fresno en Californie. Fils du chanteur des Platters (mais si vous connaissez « Onnnlyyyy youuuuu… », désolé si cette chanson va vous hanter désormais), Eugene, de son prénom, baignera toujours dans cet univers de star durant sa vie à double tranchant. Il découvre le basket durant ses années de lycée à Santa Monica où son maillot est retiré par ailleurs (retirer un maillot signifie que plus aucun autre joueur ne jouera avec son numéro, la quintessence pour un basketteur), signe d’une grande carrière ? Ne soyez pas si prompts. Il obtient une bourse à l’université du Maryland pour éclabousser de son talent le championnat universitaire au poste de pivot, la lumière de la NBA brille au loin. Mais (car dans toute bonne histoire il y a un mais) Brian possède un caractère bien trempé et ne s’entend pas toujours avec ses coachs et, comme nous le savons, la clé pour réussir avec la balle orange est l’entente coach-joueur ! Malgré tout, il traverse les Etats-Unis pour atterrir à l’Université d’Arizona où les scouts (recruteurs) NBA se bousculent pour le voir jouer, la NBA n’est plus un rêve mais bel et bien un objectif.


Plongeon dans le grand bain


“With the tenth pick of the 1991 NBA Draft The Orlando Magic select Brian Williams” tels sont les mots du commissionneur de la NBA David Stern pour accueillir dans le monde merveilleux de la Grande Ligue notre Brian Williams. Orlando sera sa première franchise, avec qui il partagera le poste de pivot avec Shaquille O’Neal, véritable légende de ce sport. Durant deux saisons, il assure cinq points de moyenne mais les minutes ne sont pas trop avec lui, seulement cinq par match sur quarante-huit jouées. C’est pour cela que, connaissant le caractère ambitieux qui lui colle à la peau, Orlando l’envoie alors à Denver. Résultat : encore deux saisons à cirer le banc et dépasser les huit points de moyenne, où il croisera également un autre grand pivot emblématique congolais, Dikembe Mutombo. Alors qu’il est dixième choix de draft (chaque année la NBA organise un évènement où les franchises sélectionnent leurs futurs joueurs sortis de l’université ; soixante y sont choisis en fonction de leur talent, donc dixième c’est pas rien) pour ne pas dépasser les dix points de moyenne et avoir des relations tendues avec ses coachs pendant quatre ans, Brian n’est plus l’étoile montante de l’université.
Pour le moment on s’ennuie un peu vous trouvez pas ? C’est juste l’histoire d’un joueur banal de NBA comme il en existe des milliers, mais attendez, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.


Aussi haute est la montée, aussi dure sera la chute

A l’aube de la saison 1996-1997, préférant dribbler avec ses demandes indécentes de salaires (à une époque où les contrats n’allaient pas au-delà de trente millions sur cinq ans, il en demandait quarante, soit dix de plus que Jordan ?!) plutôt qu’avec un ballon, Brian se retrouve vite agent libre, entêté de ne pas vouloir baisser son salaire car « on est en NBA ou on ne l’est pas » et aucune franchise ne vient toquer à sa porte pour lui demander service. Aucune…sauf en avril 1997, le téléphone retentit, les Chicago Bulls de Michael Jordan veulent son aide pour les playoffs ! Alors là c’est ce que l’on appelle la Baraka. En effet, Chicago est champion en titre et est en route vers son cinquième titre depuis 1991. Certes nous sommes bien loin de l’émergence d’un duo Williams-Jordan car il ne joue que 9 matchs, suffisant néanmoins pour repartir avec sa bague de champion. Et qui dit champion dit, pour Brian, gros contrat ! (on perd pas le nord) et il se sépare des taureaux pour atterrir à Détroit, et 40 millions de dollars sur 5 ans en poche, soit dit en passant le plus gros contrat de l’histoire de Motor City à l’époque. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, côté amour, il n’y a pas que les billets verts qui lui font tourner la tête, il y a aussi Madonna (si si c’est pas une blague), quand je vous disais que le show-business lui collait à la peau. Première année, il justifie son contrat avec dix-sept points de moyenne et des rebonds à n’en plus finir (neuf par match), l’avenir des Pistons est entre ses mains à en croire ses dirigeants. Mais rangez les confettis car les disputes avec ses coachs refont surface en 1999, la faute notamment à une folie grandissante et des gestes relativement stupides en dehors du terrain. Cerise sur le gâteau, un beau jour il décide que « Brian Williams » s’écrit désormais au passé, place à Bison Dele, une sorte de « Williams est mort, vive Dele ». Démarche contestée, entraînant notamment la modification du nom sur les maillots mis en vente, mais également respectable avec une volonté affichée de rendre hommage à ses origines amérindiennes. Le cœur sur la main, Bison.


Il change alors complètement de vie.

Fini Madonna.


Mais aussi et surtout, fini Detroit.


Le jugeant complètement incompréhensible, si ce n’est fou (pendant les temps morts il se met à tirer des lancers francs seul par exemple) et bien qu’irréprochable sur le parquet, le bruit court d’un possible échange car il possède toujours une belle valeur marchande.


Mais un bison ne se laisse pas faire ; monsieur a de l’honneur et refuse de se faire échanger comme tout le monde. Point d’orgue de sa folie, il rend 36 millions de dollars ?! (restant de son contrat) et arrête alors subitement le basket car « pas besoin d’argent pour être heureux », valeur affichée que l’on peut néanmoins applaudir.


Se noyer de regrets ?


Bison se retrouve retraité à 29 ans et, ne supportant pas sa zone de confort, il décide d’apprendre le violon, le saxophone et la trompette pour en jouer au Liban tout en visitant le pays mais soudain une illumination ! Une âme de corsaire se révèle et Bison devient propriétaire d’un catamaran qu’il nomme en toute sobriété : Hakuna Matata (riez un bon coup ça fait du bien). Tahiti devient la nouvelle maison de ce féru de mer, en compagnie de

sa nouvelle compagne, Serena. Le 6 juillet 2002, à la manière de Jules Verne, Bison Dele veut se lancer dans un tour du monde, et pour y parvenir, il sera aidé d’un skipper au beau prénom franchouillard : Bertrand. Or, avant de sillonner le Pacifique et j’en passe, il serait judicieux de savoir comment sortir de Tahiti. Fait notable, il est rejoint par son frère : Miles Dabbord (anciennement Kevin Williams, c’est de famille je suppose). Dabbord, Bertrand, Bison et Serena sont sur un bateau (on dirait le début d’une mauvaise vanne) quelques semaines après leur départ en mer le bateau est aperçu le 20 juillet par des témoins avec à son bord uniquement Dabbord (beaucoup de « bord »), le mystère commence. L’affaire Bison Dele éclot. Le FBI et la police française travaillent main dans la main (et ça c’est la classe) afin de retrouver l’équipage mais aucune trace… Le Hakuna Matata est retrouvé quelques mois plus tard, échoué sur une plage, criblé de balles. Le suspect numéro 1 est Miles Dabbord, il faut donc le retrouver. On apprend que, grand pirate qu’il voulait être, il achète 150 000 dollars d’or, voyage avec le passeport de son frère et se retrouve à Tijuana, non pas pour en apprendre plus sur la civilisation maya ou aztèque mais bien pour en apprendre plus sur la verdure locale si vous voyez ce que je veux dire. Étant le principal suspect, il est recherché de tout bord (Dabbord…ok j’arrête) et se rend lui-même, non pas au commissariat, mais à un hôpital pour cause d’overdose d’insuline. Le FBI vient l’interroger, et ce dernier livre un témoignage digne des plus grands sketchs des Monty Python « Selena est morte pendant une manœuvre du bateau, et s’est cognée la tête ; Bison fou de rage tue Bertrand et par légitime défense Dabbord aurait tué Bison et jeté tout le monde à l’eau ». Chose encore plus étonnante, c’est dans la journée de ses déclarations qu’il succombe des suites de son overdose.


Les trois corps n’ont jamais été retrouvés depuis 2002, magnifiant ainsi l’histoire tragique de Bison Dele.


Fils d’artiste, Bison meurt comme un artiste et atteint Ace que chaque joueur rêve d’atteindre : son statut de légende parmi les étoiles.

Antoine TAMBERI 1ère2

illustration libre de droit.