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La rédac' Interviews

Interview de Paul Marque, danseur étoile à l’Opéra de Paris

Lorsqu’on fait de la danse classique, le rêve ultime, le Graal suprême, c’est de devenir « étoile » à l’opéra de Paris, la plus prestigieuse compagnie de danse en France. Le 13 décembre 2020, lors d’une représentation du ballet La Bayadère un peu particulière, puisque sans public mais retransmise en direct, le danseur Paul Marque a eu la joie de rejoindre ce firmament très sélect. Il y a aujourd’hui quinze danseur•se•s étoiles dans la compagnie de l’opéra de Paris, dont six hommes. Il a accepté de nous laisser l’interviewer, par mails interposés, corona oblige, pour notre plus grand plaisir !

Ayant suivi avec attention l’actualité du ballet de l’opéra de Paris et les difficultés auxquelles la compagnie a dû faire face puisqu’elle ne s’est produite que très peu sur scène pendant cette pandémie, la nomination de Paul Marque m’est apparue comme LA bonne nouvelle artistique de la fin de l’année. J’ai alors tenté de le contacter par Instagram et, bingo, il m’a répondu ! D’une grande gentillesse, il nous fait partager sa passion avec bienveillance et sincérité. 

Comment vous est venu le désir de faire de la danse classique? D’en faire votre métier? 

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de mes débuts dans la danse, j’avais seulement 3 ans quand j’ai vu pour la première fois ma sœur danser et que j’ai tout de suite dit a mes parents que c’était ce que je voulais faire. Donc d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dansé, et je ne peux aujourd’hui toujours pas m’en passer (ou du moins pas très longtemps).

Et le fait d’en faire mon métier a toujours été comme une évidence. Quand on est petit, on se dit que plus tard on sera astronaute, médecin ou encore pompier, sans réfléchir sur ce que cela implique, les études, l’engagement, les concours, les examens… Enfant, on a tous cette inconscience qui rend l’impossible concevable. C’est plus tard qu’on comprend que nos rêves peuvent être réalisés mais pas aussi facilement que ce qu’on imaginait plus petit.

N’était-ce pas trop difficile de quitter votre famille si jeune pour étudier à Nanterre (note de Paradoxe : l’école de danse de l’Opéra de Paris se situe aujourd’hui à Nanterre) ?

Si, quitter ma famille a été un déchirement. Je n’avais jamais été séparé d’eux, et partir à 10 ans pour monter sur Paris et se retrouver en internat à 800 km de la maison a été très difficile, et même plus pour mes parents, je pense. Je pleurais tous les soirs au téléphone en les appelant. Mais malgré tout, la journée, je passais des moments incroyables, et je découvrais un nouveau monde dans lequel je me sentais à ma place.

Nos lecteurs•trices sont principalement des lycéen•ne•s, comment se passe la scolarité et plus particulièrement le lycée lorsqu’on se destine à devenir danseur•se ? 

La scolarité à l’école de danse de l’Opéra de Paris est en réalité similaire à un cursus en horaires aménagés. Tous les matins nous avons des cours scolaires, et nous avons même la chance d’avoir une école dans le même bâtiment, et qui comporte des classes du CM1 jusqu’à la terminale. Ensuite l’après-midi, nous avons les cours de danse, de mime, de chant, d’expression musicale, contemporain, jazz, solfège, théâtre, danse de caractère, histoire de la danse, anatomie… en bref tout ce qui touchait de près ou de loin à l’univers de la danse. Seulement, nous sommes engagés très tôt dans la compagnie, et nous devenons donc professionnels entre 16 et 20 ans en moyenne. Pour ma part, j’ai décroché mon contrat à 17 ans, et j’ai donc arrêté mes études scolaires à la fin de ma première. Je n’ai donc jamais passé mon bac, fait mon année de terminale ou encore moins fait d’études à l’université. Mais nos études de danse, nous les commençons à 10 ans quand nous rentrons à l’école de danse.

Que ressentez-vous lorsque vous dansez en général et en particulier sur scène ? 

Cela dépend et change à chaque ballet, voir chaque spectacle. Lorsqu’on danse en répétition, on est généralement très centré sur le côté technique, sur la réalisation de la chorégraphie, et plus on avance sur le travail du ballet, plus le côté technique est relégué au second plan pour laisser place à l’histoire, au côté artistique du ballet. Donc j’essaye du mieux que je peux d’incarner le personnage, et donc de ressentir ses émotions, ses sentiments, ses réactions.

Quel est votre meilleur souvenir en danse ? 

Il y en a beaucoup, mais si je ne devais en choisir qu’un, ce serait la première fois que j’ai dansé le Lac des cygnes. C’est un peu un stéréotype, mais malgré tout, danser ce ballet est réellement un rêve pour beaucoup de danseur•se•s. Être sur scène et incarner le rôle de Siegfried : un moment magique.

Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev – Paul Marque et Myriam Ould-Braham

Avez-vous un ballet préféré dans lequel vous aimeriez danser ou re-danser ? 

Il y en a beaucoup également, nous avons la chance à l’Opéra d’avoir un répertoire très vaste, qui touche autant aux grands ballets classiques qu’aux créations contemporaines, en passant par du Néo-classique, du Crump, du hip hop,… La liste est donc très longue, trop longue sûrement pour la courte carrière d’un danseur, mais il me vient à l’esprit le rôle de Solor dans La Bayadère, celui du jeune homme dans le ballet le jeune homme et la mort de Roland Petit, ou encore Le Boléro de Maurice Béjart.

Nous savons que le travail pour devenir professionnel•le est long et ardu. Avez-vous eu des moments particulièrement difficiles durant votre scolarité ou votre carrière dont vous souhaitez nous faire part et dont vous êtes fier de vous être relevé ?

Oui il y en a eu énormément. L’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris est une école très dure, qui nécessite un travail très rigoureux et très appuyé, une maturité très avancée pour des enfants de 10 à 18 ans, donc les moments de doute sont presque communs, et une fois arrivé dans le corps de ballet, la route est encore longue et les moments de doute également toujours présents  Chaque moment de doute peut être très difficile à gérer, voire destructeur. Il faut donc un mental en acier pour pouvoir « survivre » dans ce milieu. Je n’en ai pas un en particulier à raconter malheureusement, parce que j’essaye de transformer chaque coup dur en expérience positive, d’en retirer ce que je peux pour continuer à avancer et ne pas me morfondre. 

Quel a été votre sentiment lorsque vous avez été nommé étoile ? Vous y attendiez-vous ? (note de Paradoxe : Paul Marque a été nommé « étoile » par surprise, comme l’Opéra a coutume de le faire. A partir de leur entrée dans la compagnie, les danseurs et les danseuses gravissent les échelons jusqu’à devenir « premier●e danseur●se ». Ils peuvent être ensuite nommés « étoile » mais ce n’est pas toujours le cas. )

Je ne m’y attendais pas du tout, ça a été une très grande surprise. Tout d’abord j’ai eu un choc. C’est un rêve depuis tellement longtemps, et un rêve tellement grand que sur le coup, ce n’est pas possible de réaliser ce qui vient de se passer. Et puis ensuite ce n’est que du bonheur.

Qu’est-ce que cette nomination va apporter dans votre quotidien et votre vie professionnelle ? 

Le fait d’être étoile va changer pas mal d’aspects, mais le plus important pour moi ce sont les rôles que cela implique. J’ai la chance de faire des rôles d’étoile depuis très jeune, mon premier était à 19 ans, et cela n’avait fait que confirmer que c’était vraiment ce que je voulais faire. Seulement maintenant je ne vais plus faire que ça, des premiers rôles.

Avez-vous un mot de la fin pour tous les lycéen•ne•s que nous sommes et qui avons des rêves d’études et de carrières futures ?

Qu’il faut croire en ses rêves tout simplement. Que tout est réalisable si on s’en donne les moyens.

Dora Le Targat T2

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