Paradoxe
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La rédac' Articles de fond

Le Tombeau des Lucioles

Le 11 juin 1996, un film à contre-courant du style habituel du studio Ghibli sort dans les salles de cinéma : Le Tombeau des Lucioles. À cette époque, le studio peine encore à se stabiliser financièrement, et c’est pourquoi les deux créateurs du studio décident de réaliser chacun un film rapidement. À l’origine, les premiers films du studio Ghibli abordaient le monde avec des thèmes plutôt « enfantins », comme Le Château dans le ciel ou Mon voisin Totoro. Le Tombeau des Lucioles, lui, change brutalement de direction puisque l’on se situe à l’été 1945 en pleine Seconde Guerre Mondiale. Le Japon est encore engagé dans cette dernière, et les bombardements sont fréquents. C’est une ambiance sombre, et le film ne convient pas aux plus jeunes. En effet, il cherche à montrer la dureté et la violence de la guerre, mais à travers une violence psychologique. Il n’y a ainsi aucune scène d’action durant tout le film. 

Le film raconte l’histoire de deux jeunes enfants, Seita et Setsuko, dont le père est parti à la guerre et qui vivent avec leur mère. Un jour, ils subissent un bombardement, et leur mère succombe à ses blessures. On suit ainsi tout le cheminement des deux enfants qui vont chercher à survivre dans un monde en guerre, et qui ne s’intéresse presque plus à eux. 

Le Tombeau des Lucioles brille par sa capacité à impliquer le spectateur dans l’histoire. En effet, la première phrase du film, qui met fin au fond noir, est prononcée par Seita : « La nuit du 21 septembre 1945, je suis mort ». L’issue du film est annoncée dès le début. Elle s’annonce tragique, et on se surprend plusieurs fois à désespérément vouloir que ces enfants survivent.

(Spoiler) Je vous conseille vivement d’aller voir le film avant de lire la suite.

Pour entrer dans les détails qui font de ce film un véritable chef-d’œuvre, on constate que ce qui provoque cette ambiance tragique est l’opposition tout au long du film entre l’innocence des deux enfants due à leur jeunesse et la noirceur de la guerre. On peut notamment suivre une scène où les deux enfants contemplent leur village en ruines, et ils ne semblent pas se rendre compte de l’horreur de la scène. Malheureusement, c’est cette innocence qui va les pousser à leur perte. La scène la plus marquante, et peut-être une des plus déchirantes, montre Seita envoyé à un poste de police car il a volé de la nourriture. Seita se retrouve seul avec le policier, qui lui propose gentiment d’aller boire un verre d’eau. Seita en profite alors pour s’enfuir et retourner dans son abri avec Setsuko. On assiste ici à l’évènement qui condamne Setsuko, qui souffre de la faim. Après être partis de chez leur tante, et avoir refusé d’aller chez leurs cousins, Seita aurait pu se confier à la police. Cela paraissait ici la meilleure solution pour sauver Setsuko car elle aurait enfin pu accéder à des soins. 

Pour finir, Le Tombeau des Lucioles se caractérise par une dureté tragique en raison de ses scènes contrastées entre poésie et réalisme. En effet, des scènes poétiques et presque paradisiaques sont insérées entre les scènes réalistes, ce qui permet à la fois de plonger dans l’insouciance et l’innocence des deux enfants et ainsi d’oublier la guerre et sa violence. Cela participe aussi au fait que le retour aux descriptions réalistes de la guerre est presque choquant, et on prend réellement conscience de la tragédie de la guerre. Les scènes réalistes essayent de décrire les conditions de vie durant la guerre de la manière la plus objective possible, mais en les comparant aux scènes plus poétiques, elles paraissent alors encore plus inhumaines qu’elles ne le sont déjà. C’est ainsi, grâce à ce contraste, que le film devient réellement poignant. L’exemple représentant le mieux cette ambivalence se retrouve dans la scène au cours de laquelle Seita et Setsuko font rentrer des lucioles pendant la nuit dans leur abri. À cet instant précis, les deux enfants oublient tout le reste, et en tant que spectateur, on se surprend aussi à oublier que c’est un monde en guerre qui est décrit. Ces instants se ressentent comme des pauses, comme le calme avant la tempête. Puis on revient à la réalité. Seita se lève le matin, et voit sa sœur enterrer les dizaines de lucioles. Les enfants sont confrontés à la mort, et Seita se souvient de sa mère. C’est un monde en guerre qui est décrit, un monde de souffrance, mais c’est l’insouciance qui permet d’avoir parfois des moments de répit, et d’oublier ce monde cruel.

Je conseillerais donc vivement à tous les amateurs émotifs de voir Le tombeau des Lucioles, car rarement j’ai vu un film d’animation autant m’impliquer dans la survie des personnages principaux. De plus, le film n’est ni trop court ni trop long, ce qui le rend plus « facile » à regarder et à appréhender. Cependant, âmes sensibles s’abstenir, car même sans violence, on est confronté à la dure réalité de la guerre, et cela peut se révéler difficile. 

Les plus-une animation et des paysages poétiques parfois dignes de tableaux-un scénario pas trop complexe, mais une écriture superbe-un film véritablement prenant
Les moins-peut parfois être vraiment dur
Pour quiCeux qui sont prêts à pleurer toutes les larmes de leur corps pour Seita et Setsuko
Avec quiAvec des proches prêts à assumer leur émotivité
La note 4,5/5 P

Alexandre Raspaud, Terminale 2

(Illustration : Couverture du DVD Le tombeau des lucioles)