Paradoxe
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L’opéra, un art toujours présent

L’opéra… ce monde théâtral, musical et poétique, brillant et exigeant, et qui fut, plusieurs siècles durant, le lieu d’un tout autre spectacle, celui de la haute-société, semblerait aujourd’hui avoir perdu de sa superbe… Dès que ce mot échappe d’une bouche, l’image pittoresque et moqueuse de la Castafiore, de ces cantatrices « enveloppées » et empesées surgit dans les esprits. Alors ce n’est que critique, moquerie ou refus de s’ouvrir à cet art si particulier. Le monde moderne semblerait s’être fermé à l’opéra, qui ne semble plus que le reflet d’une époque perdue, d’une époque d’injustices sociales et de classes séparées jusque dans leurs loisirs. Et pourtant, cette image est loin de la réalité. Les airs de Mozart ont été sifflotés dans les rues de Vienne par les ouvriers, les marchands, les commerçants, qui assistaient aux représentations dans les théâtres populaires… La reine de la nuit a d’abord été applaudie par le peuple, avant que La flûte enchantée ne le soit par la brillante société viennoise. Si l’opéra marque une séparation entre classes, alors ce n’est pas la musique qu’il faut accuser, car sa réception et sa beauté sont universelles ; c’est la différence de lieux qu’il faut blâmer de cette hypothétique exclusion. Tous les ouvriers de Paris ne pouvaient certes pas se rendre à l’opéra Garnier, où se pressait la « bonne société », mais n’oublions pas que c’est à une foire populaire que naquit l’opéra-comique, ce qui montre que l’opéra ne fut pas rejeté des classes laborieuses…

Mais aujourd’hui, cet art souffre de son image séculaire marquée par l’hermétisme, le mépris et les apparences. L’opéra des aristocrates a trop longtemps été le lieu où l’on se montre, avant d’être celui où l’on admire un spectacle, et cela déteint aujourd’hui sur l’image qu’il renvoit. Tout comme pour le théâtre, la catharsis n’opère plus, et ces histoires torturées et déchirantes accompagnées de virtuoses vocalises sembleraient presque ridicules aux yeux d’un monde où prédominent des séries et films plus ancrés dans le réel. Mais malgré tout, malgré un désintérêt croissant de la société pour un genre suranné voire obsolète, cet art poursuit sa route, et des passionnés continuent de se rendre à l’opéra y contempler des histoires fictives et loin de notre idée moderne de la vie. La musique attire toujours, même sous cette forme particulière, et ces hauts-sentiments romantiques d’abnégation, d’amour sincère et malheureux, de profonde et sincère piété, même s’ils nous semblent presqu’irréels, montrent le meilleur et le plus beau de l’être humain. Tout comme la voix de ces cantatrices, l’âme cherche à s’élever à mesure que celle de l’héroïne quitte cette terre, succombant par amour ou victime de la folie des hommes. Évidemment, il faut faire abstraction d’une vision quelque peu…ancienne des relations entre hommes et femmes. Mais quoi de mieux pour comprendre les mentalités d’aujourd’hui, pour les faire évoluer, que d’étudier celles d’autrefois au travers de l’art ?

Cet art est en définitive toujours d’actualité, et trouve encore des amateurs de par le monde ; car il se modernise, évolue avec la société, mais garde également cette fraîcheur et cette beauté qui en ont fait un art à la fois intemporel et reflet du passé. Alors, pourquoi hésiter ? Allez à l’opéra ! Dans une époque où tout n’est qu’instantanéité et information immédiate, prenons du temps, donnons le temps nécessaire à la musique pour charmer notre cœur. Donnons-lui ces deux heures et demie de notre vie qui lui permettent de se déployer dans sa subtilité ou son exubérance, sa gaieté ou son désespoir, selon l’humeur immortalisée de son compositeur… Car l’art nécessite in fine que nous lui donnions notre attention pleine et entière pour qu’il nous révèle les secrets de sa beauté. Pour ce faire, nul besoin de se parer, se vêtir somptueusement et de sortir un samedi soir au palais Garnier ou à Bastille : l’opéra est désormais accessible chez chacun de nous, que ce soit au travers de disques, d’enregistrements disponibles sur des plateformes d’écoute ou sous forme d’extraits vidéo. Chacun peut aujourd’hui profiter de cette musique depuis chez soi. À titre personnel, c’est d’ailleurs ainsi que j’ai découvert l’opéra. Cet art me fascine, et je ne peux plus m’en passer ! Tous les jours, j’écoute des airs aux vocalises parfaites, enchanteurs et subtils, portant mon imagination aux rythmes de Mozart, Massenet ou Delibes… ou je vaincs la paresse en travaillant au son énergique et dynamique de la marche triomphale d’Aida.

En bref, l’opéra est aujourd’hui encore un art dont il faut profiter. Plus accessible que jamais, c’est à vous, chers lecteurs, de démontrer que la beauté artistique, intemporelle, transcende l’esthétique, temporelle, des époques. Je vous propose quelques références d’opéras et des interprétations que j’apprécie tout particulièrement, ainsi que certains airs que j’affectionne. Puissiez-vous y rencontrer la même beauté que celle que j’y vois ! Bonne écoute ! 😉

Références :

Lakmé, Léo Delibes, un opéra plein de grâce et de subtilité, plongeant l’auditeur dans l’Inde britannique et la sourde révolte de ses habitants.

Lucie de Lammermoor, Gaetano Donizetti, œuvre inspirée de Walter Scott et adaptée de l’italien en français. L’amour malheureux, les intérêts familiaux et la folie de l’héroïne se mêlent avec passion et force tout au long de l’opéra.

Orphée aux Enfers, Jacques Offenbach : une œuvre emplie d’humour, comme Offenbach sait si bien en créer. Car l’opéra est aussi un lieu où s’expriment gaieté et inscouciance à l’occasion ! Ce que le couple phare de cette interprétation parvient à traduire.

Die Zauberflöte, Mozart :

Premier air de la reine de la nuit (« O zittre nicht »), Natalie Dessay :

https://www.youtube.com/watch?v=-mvRPekFqJg

Deuxième air de la reine de la nuit (« Der hölle Rache »), Natalie Dessay :

https://www.youtube.com/watch?v=sFv5Z8Y_1yo

Lakmé, Delibes :

Air des clochettes, Natalie Dessay :

Duo des Fleurs, Sabine Deveilhe et Marianne Crebassa :

Orphée aux Enfers, Jacques Offenbach

Air d’Eurydice, « Ah quelle triste destinée », Natalie Dessay :

Duo de la Mouche, Natalie Dessay et Laurent Naouri :

Galop Infernal :

Armand Michaud, Terminale 4.

illustrations : couverture d’opéra, tous droits réservés.

illustration principale libre de droit.