Paradoxe
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Cinéma et séries

Le paradoxe Grey

Hier soir j’ai regardé 50 nuances de Grey (rappelons-le interdit au moins de 12 ans). Pour l’instant, rien de choquant : je ne suis qu’une fille de plus à regarder ce film destiné aux femmes et basé sur une histoire écrite par une femme.

Je vous avoue ne pas avoir lu le livre, cependant j’ai appris que d’après les critiques, le film respectait peu l’histoire du livre, dans la mesure où les scènes érotiques sont édulcorées et atténuées. Il n’en demeure pas moins que cette histoire d’amour, pourtant écrite par une femme, (je le répète car c’est de là que naît le paradoxe) me semble reproduire tous les stéréotypes qui perpétuent la domination masculine dans la vie – et particulièrement dans la chambre à coucher.

Tout d’abord, parlons un peu des personnages. Christian Grey, malgré sa jeunesse, dirige une entreprise florissante qui lui apporte un statut social élevé et une abondance de biens. A cela s’ajoute une beauté incontestable qui lui vaut une attention accrue des médias.
En revanche Amelia, jeune diplômée (en littérature anglaise, s’il vous plaît, elle a donc l’âme romantique) n’est habituée ni à la célébrité ni à la séduction, car elle se réserve, attendant le « bon ».
Donc d’un côté on a l’homme idéal, celui sur lequel toutes les femmes fantasment et de l’autre une femme ordinaire, à laquelle nous, spectatrices, sommes censées nous identifier.

Ces deux figures sont diamétralement opposées, l’une regroupe tous les attributs de la puissance, l’autre est désarmée, l’une multiplie les expériences sexuelles, l’autre n’en a jamais encore eues.
Cela aboutit à un rapport de puissance évident en faveur de Christian Grey. Son statut est même clairement défini dans le film, leur contrat stipule bien qu’il est le « dominant ». Une supériorité renforcée par sa richesse et par sa connaissance, parce qu’on on ne va pas se mentir : une femme cheffe d’entreprise et toute puissante, ça n’existe pas.

Le fantasme féminin serait donc de se faire séduire (puis dominer) par un homme mystérieux, puissant et riche (bonne chance les gars). Il ne faut pas oublier de mentionner que sans lui, elle ne pourrait pas découvrir sa sexualité et que gentiment elle se donne la mission de le sauver de ses démons.

Cela me semble obéir aux lois d’une société qui veut que la femme soit inférieure à l’homme et que la satisfaction de ses désirs passe et dépende uniquement du mâle tout puissant. Pourtant l’autrice de l’ouvrage qui a inspiré le film est une femme. Cette vision machiste serait donc tellement ancrée dans notre société qu’elle deviendrait même un fantasme pour l’opprimée ? Pourquoi le sexe et l’amour, qui touchent pourtant à ce qu’il y de plus intime chez nous, n’arrivent-ils pas à échapper au patriarcat ?

J’admets que chacun·e a ses fantasmes et qu’ils doivent être respectés. Je ne dis pas non plus que ce type de film ou même de littérature est à bannir. Toutefois je pense qu’il serait bon de nous interroger sur ce que l’on veut vraiment, au-delà des standards que la société nous impose. Alors, j’attends des histoires (vos histoires peut-être) où c’est la femme qui fixe les règles, qui mène le jeu.

Par Clémentine Ligouy, TL

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