L’ARN messager révolutionne la vaccination
Depuis 2019, la pandémie de Covid-19 a lancé une course au vaccin effrénée : tout le monde cherche à recevoir une dose, pour éviter une forme grave. Mais comment est créé ce vaccin ?
Parmi les treize autorisés, les principaux sont le Pfizer-BioNTech, le Moderna, l’Oxford-Astrazeneca et le Johnson & Johnson. Si les deux derniers utilisent un vecteur viral, les deux autres s’appuient sur l’ARN messager dont la technique a été mise au point par la biochimiste Katalin Kariko.
Quelle est donc cette molécule découverte en 1961(1) ?
L’ARNm est une molécule composée d’un enchaînement d’un ribose, un phosphate (cf. schéma ci-dessous « hélice de sucre-phosphate ») et une base azotée (adénine, guanine, cytosine ou uracile), dont l’ordre est dicté par la séquence des désoxyribonucléotides(2) portés par l’ADN.
En d’autres termes, il s’agit d’une « copie » d’un gène envoyée hors du noyau cellulaire pour être lue par les ribosomes (composés d’ARN et de protéines), et permettre la synthèse (fabrication) d’une protéine. Une fois la synthèse terminée, l’ARNm dégradé est rapidement détruit. Grâce à ce procédé, l’ADN demeure ainsi à l’abri dans le noyau (cf. schéma 2).
On pourrait le comparer à un livre de cuisine (l’ADN) dont vous photocopieriez une recette (une séquence, un gène). Votre livre resterait dans votre bibliothèque (le noyau cellulaire) et vous, le cuistot (ribosome), utiliseriez la photocopie (ARN messager) pour préparer votre gâteau (protéine) dans la cuisine (l’extérieur du noyau). Une fois le dessert prêt, vous jetteriez la photocopie désormais inutile, et sûrement tâchée lors de la réalisation du gâteau (ARNm dégradé).
(Version beaucoup plus parlante, surtout pour les gourmand•e•s ! ^^)
- Article Institut Pasteur : DÉCOUVERTE DE L’ARN MESSAGER, EN 1961
- Un désoxyribonucléotide est composé de trois parties : une base nucléique (adénine, guanine, cytosine ou thymine), une molécule de sucre, le désoxyribose, et un groupe phosphate (hélice de sucre-phosphate).
Fonctionnement du vaccin ARNm :
Un vaccin à vecteur viral, comme l’Astrazeneca ou le J&J, consiste en l’injection d’un adénovirus dans les muscles. La réponse immunitaire primaire permet de garder en mémoire l’antigène et de s’activer plus rapidement et plus fortement lors d’une seconde contamination.
Mais dans le cas des vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna, c’est un ARNm (introduit dans des particules de lipides pour favoriser son entrée dans les cellules humaines) qui est administré. Ce dernier est codé de telle sorte que le ribosome produise une protéine du microbe ciblé. Ainsi, le corps fabrique lui-même les agents pathogènes contre lesquels il apprendra à se défendre. L’ARNm injecté étant directement adressé aux ribosomes, et ne passant pas par le noyau, il n’y a donc aucun risque de modification de l’ADN. Pour ce type de vaccin, les données actuelles suggèrent une immunité de 8 mois.
On remarque tout de même que dans les deux cas, le procédé reste très similaire. L’avantage du vaccin à ARNm, malgré sa fragilité, réside dans sa production (de faible coût), bien plus simple et rapide que celle des vaccins classiques : il suffit d’identifier la séquence d’ADN codant la production d’une protéine du microbe visé, puis de fabriquer en laboratoire les molécules d’ARNm.
Autres applications :
L’ARN messager suscite également de grands espoirs pour tout autre type de maladies virale comme le Zika, le Chikungunya, l’Ebola, etc. ainsi que les maladies cardiaques et les cancers : en codant les tumeurs, le corps pourrait apprendre à les faire régresser (combinés avec la radiothérapie, l’immunothérapie, la chimiothérapie)…
« L’ARN messager fonctionne en instruisant les cellules. […] chaque cellule a un certain ARN messager qui [lui] dit si elle doit être une cellule du foie, de peau, de muscle ou encore un neurone. C’est grâce à l’ARN, qu’elle connaît son information »
Steve Pascolo, chercheur à l’hôpital universitaire de Zurich et co-fondateur de CureVac.
Ludivine Million T5