Le 1er décembre 1955, dans la ville de Montgomery, en Alabama, Rosa Parks, afro-américaine, incarna à jamais la lutte contre la ségrégation raciale en refusant de céder son siège dans un bus. Un acte qui déclencha l’un des plus grands mouvements pour les droits civiques du XXᵉ siècle.
Montgomery, une ville marquée par l’injustice raciale
Au milieu du XXe siècle, l’Alabama, Etat du sud des Etats-Unis, vit encore sous le régime des lois Jim Crow. Des règles imposant une ségrégation raciale stricte dans tous les aspects de la vie quotidienne : écoles, restaurants, toilettes, et transports publics où Blancs et Afro-Américains sont séparés. Bien que citoyens à part entière depuis la fin de la guerre de Sécession (1861-1865), les Afro-Américains sont privés dans les faits de nombreux droits fondamentaux. La vie quotidienne est ainsi marquée par des violences policières, des discriminations systématiques et des intimidations du Ku Klux Klan, une organisation raciste et terroriste qui s’attaque aux Noirs pour maintenir la suprématie de la population blanche. Face à cette oppression, des associations comme la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), fondée pour défendre les droits civiques des Afro-Américains, tentent de lutter par la voie juridique. Cependant, les avancées sont lentes et les injustices persistent. Rosa Parks, couturière âgée de 42 ans, est elle-même membre active de la NAACP.
« La seule fatigue que j’avais, c’était d’en avoir assez de céder… »
Le 1er décembre 1955, en fin d’après-midi, Rosa Parks rentre chez elle en prenant le bus n°2857. Comme la loi l’impose, elle s’assoit dans la partie réservée aux Afro-Américains. Lorsque la partie du bus réservée aux “blancs” en vient à être complète, le conducteur lui ordonne, ainsi qu’à trois autres passagers noirs, de laisser leurs places. S’ils obéissent, Rosa Parks, elle, reste immobile. Son “non” est calme, mais il constitue un geste de résistance.*
« On dit toujours que je n’ai pas cédé ma place parce que j’étais fatiguée… Non, la seule fatigue que j’avais, c’était d’en avoir assez de céder », confiera-t-elle bien des années plus tard. Le chauffeur fait alors venir la police : Rosa Parks est arrêtée et inculpée pour violation des lois locales sur la ségrégation. La nouvelle se répand immédiatement dans la communauté noire de Montgomery, qui en a assez de subir injustices et discriminations.
La prise d’ampleur du « Civil rights movement »
Dès le lendemain, un boycott massif des bus est organisé, mené par un jeune pasteur encore peu connu : Martin Luther King Jr. Pendant 381 jours, la population noire de Montgomery refuse d’utiliser les transports publics. Le mouvement, d’une ampleur inédite, paralyse l’économie locale. Des systèmes de covoiturage, des marches et un immense réseau de solidarité se mettent en place. Malgré les intimidations, les arrestations et les violences, le boycott tient bon. En décembre 1956, la Cour suprême donne raison aux manifestants : la ségrégation dans les bus publics est déclarée anticonstitutionnelle.
Les membres du mouvement continuent, pendant des années, leurs manifestations non violentes et campagnes de désobéissance civile. En 1964, la loi sur les droits civiques, et en 1965, la loi sur le droit de vote permettent de nouvelles protections pour les droits civiques de tous les Américains. Néanmoins, le 4 avril 1968, Martin Luther King Jr., est assassiné à Memphis, dans le Tennessee. Suite à cet assassinat, et alors qu’une vague d’émeutes éclate dans plus de 100 villes à travers les États-Unis, le président Lyndon Johnson accentue la pression sur le Congrès pour faire adopter de nouvelles lois sur les droits civiques. C’est la fin du « civil rights movement ».
« Ne pas coopérer avec le mal est autant un devoir moral que de coopérer avec le bien »
Ainsi, le refus de Rosa Parks dépasse largement l’incident du bus à Montgomery. Cet acte de résistance pacifique est devenu le symbole originel du mouvement pour les droits civiques. Il a aussi propulsé Martin Luther King Jr. au premier plan de la lutte, témoignant qu’un individu, malgré l’absence de pouvoir et d’influence importante, peut ébranler les certitudes d’un pays. Soixante-dix ans plus tard, son geste continue d’inspirer. Comme le rappelle Martin Luther King Jr., « ne pas coopérer avec le mal est autant un devoir moral que de coopérer avec le bien. »
Manon Ryckelynck, T2


