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Une sanglante répression en Iran

L’Iran, occupant un rôle de plus en plus central au Moyen Orient, s’est imposée comme l’une des grandes forces de la région. Le pays, chiite, est en effet le contrepoids de l’Arabie Saoudite à majorité sunnite. Il cristallise ainsi les tensions, d’autant plus qu’il entretient des relations houleuses avec les États-Unis. Toutefois, étant en partie garant du fragile équilibre de la région, le pays demeure intouchable sur certains aspects.
Ces derniers jours ont eu lieu une vague de manifestations et une répression aux conséquences dramatiques.

On vous explique tout, mais pour commencer, un point d’histoire sur trois moments qui ont façonné le pays et ses relations internationales.

La Révolution iranienne de 1979

L’Iran est de nos jours une des seules théocraties* du monde, système pourtant adopté assez récemment, conséquence de la Révolution iranienne de 1979.
Cette révolution est survenue dans un contexte surprenant, puisque le pays, renforcé par le choc pétrolier, semblait plus puissant que jamais. Toutefois, derrière la mainmise du pouvoir impérial dominé par le Shah, pouvait déjà s’apercevoir une fracture au sein de la société. En effet, les réformes modernisatrices du gouvernement visant à l’occidentalisation des modes de vie se sont heurtées aux convictions des milieux conservateurs et religieux. Cela mène en 1978 à de fortes tensions qui se traduisent dans la rue par de grandes manifestations, durant lesquelles des portraits de l’ayatollah Khomeiny, chef du clergé chiite en exil, sont brandis. Cette agitation est principalement due aux mollahs, représentants des traditions culturelles et idéologiques, et à une partie de la jeunesse iranienne séduite par le discours révolutionnaire de combat contre les injustices sociales et politiques. La crise s’amplifie et le Shah Mohamed Reza, ne parvenant pas à calmer la situation, s’exile, laissant à la tête du pays un opposant libéral qui sera vite renversé après le retour triomphal, le 1er février 1979, de l’ayatollah Khomeiny considéré comme le chef de la Révolution. Finalement, à l’issue d’un référendum organisé le 1er avril 1979, la République islamique d’Iran est instaurée, à la tête de laquelle Khomeini devient le Guide suprême.

*Théocratie : forme de gouvernement dans lequel le pouvoir, considéré comme émanant de Dieu, est exercé par ceux qui sont investis de l’autorité religieuse ou par un souverain considéré comme le représentant de Dieu sur la terre ou comme un dieu incarné.

La crise des otages américains en 1979

Le 5 novembre 1979, le nouveau régime réalise un coup de force en prenant en otage les membres de l’ambassade américaine de Téhéran. Cette prise d’otage est expliquée par les soupçons d’espionnage pesant sur le gouvernement américain ainsi que par l’hospitalisation à New York de l’ancien dirigeant du pays, le Shah Mohamed Reza, dont le gouvernement réclame l’extradition. Le gouvernement iranien mène les négociations et relaie largement l’échec de l’opération Eagle Claw, menée par les États-Unis pour essayer de libérer les otages. La crise dure 444 jours et aboutit à une éclatante victoire de l’Iran, qui s’impose comme le champion des pays du Tiers Monde face à l’impérialisme américain. L’humiliation subie par les États-Unis conduit le pays à imposer de lourdes sanctions sur l’Iran : une rupture de toute relation diplomatique et la fin des importations de pétrole.

Le nucléaire iranien de 2002 à nos jours

Le programme nucléaire iranien connaît ses débuts en 1950, mais les tensions se déclenchent en 2002, lorsque les États-Unis accusent le pays, pourtant signataire du Traité de non-prolifération nucléaire, de développer des armes de destruction massive.
Face à la pression internationale, l’Iran donne son accord à une inspection de ses installations par les agents de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui découvre des traces d’une activité suspecte. L’Iran, déjà sous le coup de lourdes sanctions économiques, notamment américaines, subit alors en plus celles de l’Union Européenne et de l’ONU.
L’élection en 2015 d’Hassan Rohani à la présidence de l’Iran, seul candidat modéré de la campagne présidentielle, a permis de faire avancer les négociations. Ainsi, un accord a été trouvé en novembre 2015 entre Téhéran et le groupe 5 + 1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie + Allemagne). Il limite le programme nucléaire iranien contre une levée de certaines sanctions. Cet accord, fait sous l’administration Obama, se passe désormais des États-Unis qui s’en sont retirés le 8 mai 2018 et qui ont rétabli les sanctions économiques contre l’Iran, laissant l’avenir de l’accord incertain.

Petit résumé, parce qu’à la fin on s’y perd ! 🙂

La Révolution iranienne de 1979 a mené à l’instauration d’une théocratie dominée par le clergé chiite et à la création de la République islamique d’Iran.
Ce pays s’engage dès 1979 dans un bras de fer avec les États-Unis en prenant en otage les membres de l’ambassade américaine de Téhéran. L’Iran ressort vainqueur et s’affirme comme une puissance capable de défier l’Occident.
L’Iran est de nos jours une source de vives tensions à cause de son programme nucléaire qui aurait conduit au développement d’armes de destruction massive. Une solution semblait avoir été trouvée en 2015 avec un accord mais le retrait des États-Unis sous l’administration Trump le menace.

Et aujourd’hui alors ?

Des manifestations ont éclaté le 15 novembre 2019 après l’augmentation du prix du pétrole, due à une nouvelle taxe. Le pays est touché par une crise économique et une importante récession expliquée notamment par le durcissement en 2018 et 2019 des sanctions économiques américaines.
Malgré ces difficultés économiques, la société iranienne connait une légère ouverture, grâce aux réformes sociales menées par le président actuel : Hassan Rohani.
Les protestataires dénoncent par ailleurs une politique étrangère interventionniste trop onéreuse, qui semble passer après l’amélioration du niveau de vie des habitant·es, bien que la taxe sur le pétrole soit a priori destinée à supporter les ménages les plus fragiles.
Cette agitation, causée selon le gouvernement par les ennemis étrangers du pays, à savoir les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, a été violemment réprimée. Ainsi le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei aurait déclaré : « La République islamique est en danger. Faites tout ce qu’il faut pour y mettre fin. C’est un ordre ».
Internet ayant été coupé pendant plus de dix jours, nous n’avons que très peu d’informations sur le déroulement des évènements, mais il semblerait que bien que la majorité des premiers défilés aient été pacifiques, des bâtiments aient été incendiés et des membres des forces de l’ordre tués. Par ailleurs, le nombre de victimes de la répression reste incertain. Le gouvernement ne dénombre que 5 morts, Amnesty International quelques 304 morts et l’agence Reuters a communiqué le chiffre de 1 500 décès.

Ces derniers jours, le calme semble revenir dans le pays, mais à quel prix ?

Par Clémentine Ligouy, TL

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