Paradoxe
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Fabrice Luchini lit Victor Hugo : (Re)découvrir Hugo

        Vous croyez connaître par cœur Victor Hugo ? 

Vous me répondrez sûrement : 

“Évidemment, c’est un poète romantique du XIXè siècle, sa fille est morte, il a été exilé quelque part, une île anglaise, Nesey ou quelque chose comme ça. C’est un écrivain qui a tout écrit, des tas de choses super belles, Demain dès l’aube par exemple”.

        Comme Cyrano, j’aurais envie de vous répondre : 

“C’est tout ? C’est un peu court”. (La suite, vous la connaissez)

        Vous ne connaissez presque rien du véritable Victor Hugo, en réalité. C’est tellement plus que cela ! C’est un musée à lui tout seul, vous ne pouvez prétendre l’avoir visité entièrement si vous n’avez vu que la première salle, à savoir celle du collège, Les Misérables et autres classiques un peu ennuyeux à force.

        Le spectacle de Luchini est un excellent moyen de redécouvrir ce monument de la langue française, car on a tendance à se borner au Hugo qui écrit. Mais il y a aussi des tas d’autres Victor Hugo, c’est indéniablement un homme comme les autres – mari, père et grand-père entre autres.

        Connaissiez-vous le Hugo conteur ? Le Hugo déchiré ? Le Hugo amoureux ? Le Hugo spiritiste ? Et j’en passeIl est temps de les découvrir, tous ces trésors cachés…

        Fabrice Luchini, de sa voix gutturale, mélodieuse et sèche, livre une performance grandiose, qui mêle, comme les codes établis par Victor Hugo pour le drame romantique dans la préface de Cromwell, “le grotesque et le sublime”.

        Le grotesque, car Luchini est un humoriste, qui n’a de cesse de vulgariser pour rendre la culture plus accessible à tous – j’étais allé voir avec ma marraine le spectacle La Fontaine et le confinement il y a 2 ou 3 ans, et j’avais pu réellement mieux connaître celui qui a écrit Le Corbeau et le Renard.

        Le sublime, car Luchini sait aussi bien lire que faire rire. Il offre une palette extrêmement large et variée, passant des “musts” (Demain, dès l’aube, Bosz endormi) aux trésors cachés (Le Livre des Tables, sur ses séances spirites). Il fait digérer ce monument de granit qu’est Victor Hugo, bouchée par bouchée, sans se presser.

        On n’entendra d’ailleurs pas seulement Victor Hugo, car cet homme, ou plutôt ce roc(« C’est un roc ! c’est un pic ! c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? C’est une péninsule ! » Bon, il faut (à regret pourtant) que j’arrête de citer Cyrano)

        On entendra aussi mes deux Charles-poètes préférés, Péguy et Baudelaire, et Ludwig van Beethoven.

        Le premier, dans une réflexion qui a excité grandement ma curiosité, à savoir la différence entre le talent et le génie – je cite d’ailleurs Horace dans l’Art poétique pour montrer l’intemporalité de ce dilemme insoluble :

“Qui fait le bon poète? Ou la nature ou l’art? 

On l’a fort débattu. Je soutiens, pour ma part, 

Que l’effort de l’étude est vain sans la nature, 

Mais qu’au plus beau génie il faut de la culture, 

Que l’une prête à l’autre un mutuel appui.”

        Le deuxième, dans L’art romantique ou réflexions sur quelques-uns de mes contemporains, lorsqu’il consacre un livre à faire l’éloge d’Hugo, et que ce dernier, après qu’il lui a envoyé Les Fleurs du mal, lui répond en cinq mots : “Bravo, vous êtes un poète.” Peut-être le plus beau compliment qu’on puisse faire à un poète, qui sait ?

        Le dernier, parce qu’il est le musicien préféré de Victor Hugo : “Ce sourd entendait l’infini” dira-t-il. Ce qui a été l’occasion d’écouter un extrait de sa musique, bien sûr. De quelle symphonie il s’agissait, ne me le demandez pas, j’écoutais l’infini

        Parmi ces réflexions, on retrouvera aussi celle sur la notoriété et la gestion de celle-ci par Victor Hugo (rappelons qu’il avait une avenue à son nom de son vivant), mais aussi sur son rapport à la nature et au monde, et j’en passe

        C’est une fresque historique magistrale que nous peint ici Fabrice Luchini dans sa verve habituelle. Je recommande absolument, si toutefois on aime Victor Hugo. Mais comme l’a dit un grand homme dont j’ai oublié le nom : “Hugo, ce n’est pas une question de l’aimer ou de ne pas l’aimer. C’est comme la montagne, elle est là, simplement là.” 

Pour qui ?

toute personne ayant 15 ans et +, cherchant soit à se réconcilier avec Victor Hugo soit à le redécouvrir, et aimant la verve de Lucchini… 

Avec qui ? 

en famille, entre amis

Où ? 

Théâtre des Mathurins, 36 Rue des Mathurins, 75008 Paris

Quand ? 

Mardi, mercredi et jeudi à 18h30

Tarifs 

Carré Or : 57  

1ère catégorie : 47  

2e catégorie : 39  

3e catégorie : 21

Durée

1h45

Les + 

j’en ai assez parlé, s’il le faut encore pour vous convaincre, cette pièce n’est définitivement pas pour vous

Les – 

J’ai creusé mais je n’ai pas trouvé un défaut à ce duo de choc Victor-Fabrice

Note

4,5/5, mais c’est vraiment pour ne pas mettre 5/5

Emmanuel Peltier (T4)

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