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La question Kurde

Début octobre 2019, le président américain Donald Trump annonçait retirer ses troupes du sol syrien, laissant ainsi les peshmerga* coincé·es entre l’État Islamique (EI) et la Turquie et fragilisé·es par cette perte de leur principal allié. Ankara affirmait ainsi le 8 octobre être prête à lancer une nouvelle offensive contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement constituées de soldat·es kurdes. Notons que cette offensive a été “autorisée” par Moscou, pourtant alliée des Syrien·nes, se plaçant ainsi comme grand arbitre des tensions locales.

Pourquoi ? Présente en Syrie afin d’éradiquer l’EI établi dans le pays depuis 2014, l’armée états-unienne n’était en réalité constituée que de quelques centaines d’individus et servait surtout d’appui militaire aux forces Kurdes et Syriennes. Jugeant cette présence peu nécessaire, le président républicain a donc pris la décision de retirer ses forces armées. Cependant, le président Erdogan ne semble pas apprécier l’unification du territoire kurde sur le sol syrien grâce à ses victoires contre les forces djihadistes, profitant ainsi du retrait états-unien pour attaquer les FDS. Selon le directeur de communication de la présidence turque F. Altun, la Turquie « n’aura d’autre choix que de les empêcher d’arrêter de perturber (ses) efforts anti État Islamique » s’ils et elles ne font pas « défection ». Rappelons que l’État turc considère les Kurdes comme des « terroristes » à cause de la guérilla menée en Turquie par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).

Quel futur ? A terme, Erdogan souhaite utiliser le territoire kurde comme séparation entre la Turquie et le chaos syrien et y installer une partie des 3,5 millions de réfugié·es syrien·nes. De son côté, face au tollé international voire même national, le président Trump entend « anéantir complètement l’économie de la Turquie » si celle-ci « dépassait les bornes » tout en laissant fermé l’espace aérien du nord-est de la Syrie à l’aviation turque. La France, elle, a déclaré soutenir les forces kurdes qui sont « des partenaires-clés dans la lutte contre Daesh » sans pour autant intervenir comme le responsable Badra Kiya Kurd souhaiterait afin « d’empêcher cette offensive, qui est susceptible de se traduire par un massacre ». Rappelons aussi que cette offensive permettrait à des djihadistes (dont des français) prisonniers des forces kurdes de s’échapper. Le président russe, par son contact avec chacun des pays de la zone, y voit l’opportunité d’unifier les Kurdes de Syrie au régime de Bachar al-Assad en vue d’une potentielle paix syrienne qui renforcerait la position de Moscou.

Territoire non-officiel du Kurdistan
  • Président turc : Recep Tayyip Erdroğan
  • Président américain : Donald Trump
  • Chef de l’EI lors de l’offensive turque : Abou Bakr al-Baghdadi
  • Actuel chef de l’EI : Abou Ibrahim al-Hachemi al-Qurashi
  • Responsable kurde : Badran Jiya Kurd
  • Président russe : Vladimir Poutine
  • Dictateur syrien : Bachar al-Assad

Les Kurdes constituent le plus grand peuple apatride au monde. Situé à cheval sur les frontières de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran, le territoire kurde (le Kurdistan) n’a jamais été officiellement reconnu ni délimité malgré les promesses occidentales du Traité de Sèvres de 1920. Selon les estimations, on les dénombre à 30 voire 40 millions, dont 80 pourcents sont des musulman·es sunnites, sans pour autant s’identifier comme arabes.

*Les peshmergas sont les soldats kurdes ralliés aux FDS, principalement constitués de femmes de l’Unité de protection de la femme (YPJ). Cette organisation militaire exclusivement féminine, créée en 2013, s’est séparée de l’Unité de protection du peuple (YPG) en 2016, même si elle coopère toujours avec afin de combattre l’EI.

Par Noémie Girard, TL

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