Paradoxe
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Cinéma et séries Sections culturelles

Ever after, 1998

Encore une version de Cendrillon me direz vous ! Et pourtant, ce film, signé Andy Tennant, n’est nullement comparable au conte de Disney. Bien plus développé et largement revisité, il s’adresse tout autant aux adultes qu’aux jeunes (même moi j’ai adoré et pourtant Dieu sait que j’ai horreur des princesses Disney avec leur robe et diadème stéréotypés).

Si le scénario reste assez proche, dans les grandes lignes, de celui du conte des frères Grimm, la véritable nouveauté réside dans le choix du cadre spatio-temporel et, surtout, le caractère des personnages. 

Tout d’abord, le cadre dénote : en effet, le récit prend place dans la France de la Renaissance. Nous retrouvons ainsi des personnages historiques phares tels François Ier, son fils Henri II ou Léonard de Vinci dont les interventions dans l’histoire sont très pertinentes, pleines de profondeur et toujours accompagnées de paroles sages (et teintées d’une pointe d’humour!). La reproduction de l’époque est également époustouflante avec des décors et costumes d’une extrême qualité et beauté qui nous font complètement voyager ! Les différentes classes sociales sont toutes représentées, de la famille royale aux plus humbles paysans et aux brigands en passant par les artistes et le monde clérical : nous avons ainsi une peinture complète de la société du XVIème siècle (on pardonnera les libertés prises par rapport aux véritables faits historiques, incompatibles avec le scénario).

Léonard de Vinci peignant la Scapigliata

On remarquera aussi, dans cette version, l’absence de magie. Si l’on pourrait accuser le film de tuer la féerie du conte original, il faut rappeler que ce dernier se veut plus réaliste et la présence de surnaturel aurait été en décalage avec l’atmosphère du film. C’est donc Léonard de Vinci qui endosse, d’une certaine manière, le rôle de la marraine et confident. Il confectionne ainsi la robe de bal de Danielle (qui est, on ne va pas se le cacher, mille fois plus belle que celle de la bonne fée), élément pouvant paraître anodin et pourtant, mettant en valeur le talent du génie florentin.

Néanmoins, ce qui apporte le plus au film sont les personnages dont la psychologie est bien plus intéressante que dans l’histoire des frères Grimm. Ici nous est présentée une Cendrillon (rebaptisée Danielle de Barbarac) au caractère bien trempé qui s’éloigne certes du personnage du conte mais apporte une agréable note d’originalité. Avec des répliques bien senties, elle n’hésite pas à défier sa belle-mère, ses sœurs et même le prince lors d’une scène mémorable et hilarante ! Voici d’ailleurs un autre bon point : au lieu de tomber dans le cliché de la damoiselle attendant son prince charmant en fredonnant (des chansons un peu cucul la praline soit dit en passant), nous avons ici une véritable héroïne qui déchire : elle s’impose, est capable de se défendre et se libérer seule, maniant l’épée avec autant de classe que Zorro !

Danielle et le dernier livre offert par son père

Notre protagoniste principale se démarque également par son érudition. En effet, Danielle ne se contente pas de faire le ménage, elle s’instruit (dans une certaine mesure bien sûr, étant donné sa belle-mère qui la fait crouler sous les tâches ménagères – pour le coup, elle n’est pas la seule dans son cas !). Cet intérêt pour la lecture et la connaissance est présent dès le début du film lorsque son père (avant de mourir) lui offre un livre, s’ajoutant à la collection phénoménale que possède déjà la famille. Le sujet de la condition et du rôle de la femme dans la société est ainsi étudié dans une époque où la place de cette dernière était moindre.

Une autre facette du personnage est également mieux mise en valeur dans cette adaptation. Il s’agit de la bonté de Danielle. Dans le Disney, cette qualité tant louée n’est que peu visible (disons que Cendrillon est simplement à l’instar des autres princesses classiques). A l’inverse, la grandeur d’âme du personnage apparaît clairement dans le film à travers ses actions, notamment lorsqu’elle libère un des anciens et fidèles serviteurs de son père au détriment de sa propre sécurité.

Marguerite et Jacqueline, les deux belles soeurs de Danielle

Du côté de la belle-famille, nous pouvons souligner l’appréciable touche de nouveauté apportée à la seconde sœur, Jacqueline. Si la mère et la fille aînée demeurent toujours aussi détestables, Jacqueline se révèle tout autre que dans le récit d’origine, compatissante et douce, mais contrainte par sa mère. Cela nuance la famille et permet d’éviter le pathétisme d’une héroïne orpheline maltraitée par tous.

Enfin, nous est épargné le sempiternel “coup de foudre de conte de fées” ! Loin de partir sur une histoire cheesy, les relations sont plutôt chaotiques au début, et l’on voit une réelle évolution ainsi que la construction réaliste d’un amour entre les deux protagonistes (et pas une passion folle sortie de nulle part parce que Madame portait une robe à tomber par terre lors du bal). Là encore, le film nous propose une version bien plus intéressante du prince. En effet, ce dernier, au lieu de faire fi de son statut et épouser sur un coup de tête une femme d’une autre classe sociale (parce qu’il ne fallait pas compter sur le divorce à l’époque), se questionne et semble même prêt à faire passer son rang avant son cœur. Ce qui est tout de même plus crédible. Ici est donc abordée la question de l’ascension et des barrières sociales, thème d’ailleurs toujours d’actualité.

Danielle et Henri II

Ce film d’Andy Tennant est donc un véritable chef d’œuvre présentant des personnages riches et une Danielle Cendrillon très moderne dans une magnifique reconstitution de la Renaissance au temps de François Ier !

Pour qui ?Tout le monde (même ceux•elles dont les Disney classiques sortent par les yeux)
Les plus :Des personnages plus approfondis. Des décors et costumes à couper le souffle. La présence de Léonard de Vinci et de certaines de ses créations ! 
Les moins :Quelques anachronismes historiques.
Note4/5P

Ludivine Million T5

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