La mort d’une légende
Diego Armando Maradona s’est éteint le Mercredi 25 Novembre dans sa maison de Buenos Aires, emporté à 60 ans par un arrêt cardiaque. L’argentin, considéré par beaucoup comme le plus grand joueur de football de tous les temps, en est en tout cas le plus charismatique. Par ses coups d’éclats sur et en dehors du terrain, il aura marqué de son empreinte tout un peuple, et laisse en partant un souvenir indélébile à la postérité. Entre gloire ultime et chute terrible, coup de génie et frasques mémorables ; une chose est sûre : il restera, à jamais, l’un des sportifs les plus mémorables de tous les temps.
L’histoire de Diego Maradona, c’est celle d’un enfant de la rue propulsé par son génie vers les plus hauts sommets puis descendu mille pieds sous terre par ses insistants démons. El pibe de Oro, « l’homme en or » en argentin, a durant toute sa vie alterné entre le divin et le diabolique, s’élevant chaque fois plus haut et s’enterrant toujours plus profondément. Mais, là où de nombreux•ses ne s’en seraient jamais remis, Maradona s’est toujours relevé de ces échecs. Véritable icône, l’Argentin a toujours représenté plus que lui-même, symbolisant le peuple dans ses rêves, ses limites, ses aspirations, ses talents et ses travers. Ces combats, il les a menés le torse bombé, le sourire aux lèvres et le poing levé. Comme il le disait lui-même, il « était blanc ou noir, mais jamais gris ».
Un footballeur sans égal
Élevé dans « un quartier privé, : privé d’eau, d’électricité et de téléphone ! » selon ses propres mots, Diego apprend le sport dont il deviendra le maître dans la rue. Doté d’un pied gauche magique, il se démarque très rapidement et débute sa carrière professionnelle à moins de 16 ans sous les couleurs des Argentinos juniors. Pour son premier match, il établit un record de précocité qui tient toujours actuellement (le premier d’une longue série) dans la ligue argentine et met un petit pont devenu légendaire au joueur star de l’équipe adverse. Dès son premier match, Maradona donne le ton de ce que sera son style de jeu durant toute sa carrière : un style de jeu à l’image de son caractère, renversant. Il passe cinq années aux Argentinos Juniors durant lesquelles il marque les esprits ainsi que 116 buts en 167 matches. Transféré à Boca Junior, le club numéro un en Argentine, il gagne le championnat lors de son année là-bas et devient le joueur star du pays. Il est donc naturellement sélectionné pour la coupe du monde 1982 où il s’arrête en quart de finale après un très beau parcours qui lui a permis de se révéler au monde entier. Il est alors transféré au FC Barcelone, où il passe deux ans ternis par des blessures à répétition. En Catalogne, Maradona découvre la cocaïne ; il ne la quittera jamais réellement…
Après cette expérience mitigée, il débarque à Naples. Il y écrira durant sept ans les plus belles pages de sa carrière. A son arrivée, le club napolitain est une équipe moyenne en Italie qui n’a jamais rien accompli sur la scène nationale et européenne. Le Pibe de oro glanera les deux premiers titres de champion de Naples et une coupe d’Europe. Il devient le meilleur joueur du monde et transcende cette ville, qui le considère comme un dieu, au point de créer une Église Maradonienne dont il est l’unique dieu ! Son apogée arrive lors de la coupe du monde 1986, durant laquelle il réalise la meilleure performance individuelle de l’histoire du beau jeu, gagnant la plus prestigieuse des compétitions presque à lui tout seul. Son quart de finale contre l’Angleterre est sans contestation possible le match le plus mémorable de l’histoire sur un plan individuel. Il qualifie l’Argentine en inscrivant les deux buts de son équipe : La main de Dieu, qui déchainera les passions à jamais, et le but du siècle, plus beau but marqué de tous les temps. En un match, il inscrit deux des cinq buts les plus connus et mémorables de l’histoire du sport numéro un au monde. C’est ça, Maradona. Il entre alors dans la légende, son exploit est sans précédent.
Un homme aux mille vies
Sa fin de carrière sera précipitée à cause de la drogue. Maradona s’est ensuite reconverti en entraîneur sans grand succès, malgré un an et demi à la tête de la sélection argentine. A la tête de l’albicéleste, il tiendra des discours qui marqueront le pays tout entier. Car Maradona n’est pas seulement un footballeur qui a mis des étoiles dans les yeux de fans de football, c’est également un représentant du peuple. Lui qui vient de la rue, il a toujours incarné le peuple en soutenant ses combats. Politiquement très engagé à gauche, il était très proche de Fidel Castro, dont il avait un tatouage sur la jambe ; il en avait un de Che Guevara sur l’avant-bras.
Après avoir propulsé son sport au rang d’art par ses gestes hors du commun sur le terrain, il n’est pas étonnant que Diego soit devenu une icône culturelle. Avec sa gueule d’ange, son aura sans borne, son vécu et son bagou, il est rapidement devenu une source d’inspiration pour tous les genres. Du cinéma avec Maradona de Kusturica ou Diego Maradona d’Asif Kapadia plus récemment pour ne citer qu’eux à la chanson avec un nombre incalculable de chansons à son nom comme La vida tombola de Manu Chao, véritable ode à l’argentin. Les jeux vidéo, les sponsors, la peinture, la littérature, tous ont salué Diego.
Un héritage intemporel
Après l’annonce de son décès, le monde entier a exprimé ses condoléances, sa reconnaissance et son amour au Pibe de Oro. En Argentine, où il est la personnalité la plus populaire du pays, trois jours de deuil national ont été décrétés. Trois jours de deuil officiel, mais des années à vivre sans leur idole pour certain•e•s. Le monde du sport a également regretté le défunt. Des joueur•e•s de tennis comme Diego Schwartzmann (nommé ainsi en hommage à Maradona) ou Juan Martin del Potro, des équipes de rugby comme la Nouvelle-Zélande qui a présenté son maillot durant leur fameux Haka, et évidemment le monde du football. De toutes les réactions, celle qui a le plus ému les fans du jeu, c’est celle du Roi Pelé, qui s’exprimant à Diego, lui dit « j’espère qu’un jour on pourra jouer au ballon ensemble au ciel ». Quand le Roi parle au Dieu du foot en évoquant cette passion si simple et si forte qu’est le football, ça en a fait pleurer plus d’un.
Diego Maradona était une de ces personnes qui change la face du monde. Sa personnalité extravagante le rendait extrême dans tout : dans son génie comme dans ses travers. Maradona, c’était plus qu’un homme ; c’était une icône, un modèle, une idole, une légende. L’homme était très imparfait, tombant dans des travers terribles et menant une vie loin de toute rationalité. Mais c’est cette irrationalité qui lui a permis de devenir une telle icône. Génie, Diable, Dieu, Maradona a tout été. Gloire, drogue, succès, mafia, Maradona a tout connu. Certain•e•s se rappelleront ses problèmes de drogue, de dopage ou de ses autres excès ; mais le plus important, c’est le bonheur qu’il a apporté. Lui-même déclare : « Je suis un joueur qui a donné de la joie aux gens et cela me suffit et ça me remplit »
Malgré tout ce qu’est devenu Diego Maradona, il a commencé avec un simple ballon au pied, jonglant dans les rues de Buenos Aires ; et c’est par l’expression de son génie balle au pied que tout a suivi. Mais à l’heure de faire le bilan, ce sont ses exploits sur le terrain qui resteront les plus grands. Certain•e•s se rappelleront de lui comme de la star déjantée qui a perdu la tête en sombrant dans la drogue, mais les fans de football, eux•elles, se souviendront de son pied gauche hors de ce monde, de ces gestes que lui seul maîtrisait, de ces étoiles dans les yeux transmises durant sa vie, qui sont devenues des larmes le 25 Novembre. Pour de nombreuses personnes partout dans le monde, el Pibe de oro aura été l’insufflateur de leur passion, une passion qui rassemble, unit, rythme le quotidien dans la tristesse et le bonheur : le football. Et pour cela, merci Diego.
Diego Armando Maradona, c’est l’histoire d’un homme qui a combattu de terribles démons, l’histoire d’un homme qui a mis le monde a ses pieds grâce à son pied gauche divin, l’histoire de la naissance d’un mythe éternel, l’histoire d’un homme qui a vécu mille vies et mille morts sans jamais tomber. Diego, c’était une foi. L’aimer, c’est accepter que l’immensité de son talent provoque des excès proportionnels. Et Diego, ce génie autodestructeur, on l’a aimé ; et on l’aimera, pour l’éternité.
Au revoir, Diego.
Suppléments sur ce sujet :
- A regarder sans modération et en entier : le but du siècle de Maradona commenté par un vrai passionné. Cela permet de mieux entrevoir le génie de l’argentin et son aura :
- Une liste de citations de Diego Maradona, bribe de sa répartie légendaire : https://citation-celebre.leparisien.fr/auteur/diego-maradona
- La chanson de Manu Chao, véritable ode à Diego :
- L’échauffement le plus célèbre de tous les temps, qui rappelle le showman que Maradona était :
Louis-Victor Bourgeois T1