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Articles de fond

Hong Kong, un combat pour la liberté

Hong Kong, un statut spécial

Hong Kong, situé sur la côte Sud de la République Populaire de Chine, a été une colonie britannique à partir de 1842 jusqu’à la rétrocession en 1997. Depuis cette date, la ville est intégrée à la Chine mais conserve tout de même un statut particulier. Jusqu’en 2047, Hong Kong a sa propre constitution, la Basic Law, qui permet d’instaurer les institutions de la démocratie et un système du type « un pays, deux systèmes ». Ce système permet la cohabitation entre le capitalisme Hongkongais et le communisme chinois. En effet, la ville garde une certaine autonomie pendant 50 ans, notamment dans le domaine politique, où elle a son propre chef de l’exécutif, et dans le domaine économique où elle possède sa propre monnaie, le Hong Kong Dollar, permettant une ouverture à la finance et au commerce mondial.

Les premières protestations en 2014 puis en 2019

Même si les habitant·es de Hong Kong ont plus de libertés que la Chine continentale, il y a finalement peu de liberté de vote. Les protestations sont fréquentes car c’est un des seuls moyens pour la population d’exprimer son opinion. C’est ainsi qu’en 2014 a eu lieu le mouvement des parapluies, première vague de manifestations massives contre le gouvernement de Pékin. Ces protestations étaient les conséquences d’un changement dans une des lois élaborées lors de la rétrocession, qui permettait aux hongkongais·es d’élire leur représentant·e au suffrage universel. Cependant, malgré les manifestations de 2014, lors des élections de 2017, les candidat·es ont été contraint·es d’être validé·es par Pékin avant de se présenter. Cette loi est aussi l’une des causes de la crise de 2019. Le mouvement est dit « mouvement des parapluies » car les manifestant·es utilisaient des parapluies pour se protéger de la police. Ceux-ci seront utilisés une nouvelle fois au début des manifestations de 2019, lorsque le gouvernement pro-Pékin de Hong Kong décide de voter une loi autorisant les extraditions de la région administrative spéciale (RAS) vers la Chine.  Celle-ci permet le transfert vers la Chine de toute personnes considérée comme « fugitives » par Pékin, violant ainsi les accords réalisés en 1997.

La peur d’une mainmise de Pékin

Les manifestations actuelles expriment la peur des hongkongais·es que le gouvernement de Pékin mette fin au système « un État, deux systèmes » avant 2047 au travers de lois limitant les libertés à Hong Kong. Malgré que la gouverneure de Hong Kong, Carrie Lam, ait retiré définitivement la loi d’extradition, la population hongkongaise demande maintenant la démission de celle-ci et des élections réellement démocratiques. En novembre, des manifestations très violentes ont eu lieu : un manifestant est blessé par balle réelle et un autre a été tué. Même si la police a fait usage de violence envers les pro-indépendantistes, les manifestant·es ont aussi fait preuve de brutalité envers elle. Que ce soit avec des projectiles trouvés dans la rue ou encore des arcs et des arbalètes, les manifestant·es qui accusent la police d’être trop agressive utilisent des méthodes radicales. Ainsi, le gouvernement décide de durcir les moyens policiers mis en œuvre pour contenir des manifestant·es qui deviennent de plus en plus brutaux.

Le 24 novembre, des élections locales se sont tenues à Hong Kong. C’est avec un taux record de votant·es (71,2%) pour des élections qui habituellement ne suscitent que peu d’intérêt, que les pro-démocrates se sont imposés face au parti qui soutient Pékin. En effet, sur les 452 sièges disponibles, 90% ont été remportés par les démocrates. Cette victoire écrasante a provoqué un grand étonnement de la part du gouvernement pékinois, qui ne s’attendait pas à une aussi grande mobilisation de la part des hongkongais·es, et notamment un aussi grand soutien aux candidat·es démocrates. La Chine continentale les accuse alors d’avoir « faussé le scrutin » et d’avoir empêché le bon déroulement de la campagne des candidats pro-Pékin. Pour les habitant·es d’Hong Kong en faveur de l’indépendance, cette victoire leur permet d’exprimer leur volonté au gouvernement d’avoir leur opinion prise en compte dans la gestion du territoire. Pour elles et eux, ces élections sont aussi vues comme un référendum contre Carrie Lam, les manifestant·es voulant son retrait du gouvernement.

Le 27 novembre, Donald Trump a promulgué une loi en faveur des droits humains et de la démocratie à Hong Kong, se faisant alors menacer par la Chine de représailles. Cette loi a été fortement demandée lors de manifestations qui s’adressaient directement aux États-Unis.

Manifestations à Hong-Kong

L’impact de ces manifestations dans le monde, l’exemple de la NBA

Cette crise sociale a eu de nombreux impacts internationaux. Nous ne pouvons pas négliger l’épisode de la NBA, en octobre dernier, durant lequel la Chine s’est enflammée après que Daryl Morey, le directeur général des Houston Rocket, ait tweeté des messages de soutien aux manifestant·es de Hong Kong. Ainsi, le gouvernement chinois a interdit la diffusion de matchs de la NBA sur leur chaîne nationale, CCTV, et les sponsors du pays retiré leurs partenariats, notamment avec l’équipe des Rockets. Par la suite, le basketteur Lebron James a appelé à la modération dans les tweets des joueurs car ceux-ci peuvent avoir de fortes conséquences. Pékin ayant approuvé l’annonce de celui-ci, les protestataires commencent donc à brûler les maillots à son effigie. Les joueurs de NBA devant venir jouer en Chine sont suspendus.

Manifestantes à Hong-Kong

Qui sont les manifestant·es ?

Les jeunes sont très impliqué·es dans ce mouvement social, mais des avocat·es prennent également part à ces revendications. Par exemple, le 6 juin, 3000 avocat·es se sont rassemblé·es dans les rues en signe de protestation contre la loi d’extradition. Toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées : des étudiant·es aux commerçant·es en passant par les ouvrièr·es, tout le monde se mobilise. De plus, ce mouvement concerne tous les âges. Même si les jeunes adultes sont dans les manifestations les plus agressives, les retraité·es et les familles font aussi partie intégrante des manifestations, surtout lors du sitting de l’aéroport, bien qu’une grande partie ne soit pas présente, soutenant le gouvernement pro-Pékin. Enfin, ce mouvement pro-démocratique a inspiré de nombreuses personnes, notamment des militant·es, qui ont créé un jeu vidéo en réalité virtuelle. Le/la joueur·se incarne un·e manifestant·e qui se retrouve face aux forces de l’ordre, le but étant d’esquiver les balles de caoutchouc, de renvoyer les gaz lacrymogènes et de fuir la police.

Pourquoi la Chine n’intervient-elle pas ?

Tout d’abord, Hong Kong est une ville économique très importante pour la République Populaire de Chine. Des marchandises du monde entier transitent par la ville pour ensuite se retrouver à l’intérieur des terres et de riches Chinois·es influent·es du Parti ont placé leur fortune dans la ville. Ainsi, détruire le statut d’Hong Kong reviendrait à détruire une partie de l’économie chinoise. De plus, une intervention plus forte de la part de Pékin aurait des répercussions au niveau international. Un régime prônant l’harmonie et la paix serait immédiatement discrédité face à des pays tournés vers ces manifestations depuis plusieurs mois. Les seules solutions données à ce jour sont l’épuisement des manifestations, ou alors laisser la situation à Hong Kong s’aggraver pour ensuite agir plus légitimement.

Dates clé :

  • Février 2019 : le gouvernement pro-Pékin vote la loi autorisant les extraditions de la région administrative spéciale (RAS) vers la Chine.
  • 28 avril 2019 : première manifestation de contestation.
  • 9 juin 2019 : première manifestation de masse (plus d’1 million de personnes se sont mobilisées) durant laquelle les manifestant·es réalisent le premier sit-in devant le Parlement. Les premiers heurts avec la police ont également lieux.
  • 1er juillet 2019 : anniversaire de la rétrocession. Les protestataires envahissent le parlement local. Les premières violences ont lieu et la police fait usage de gaz lacrymogène.
  • Début août 2019 : début de l’occupation de l’aéroport par les manifestant·es pour protester contre les violences policières. C’est une manifestation pacifiste qui a pour objectif d’informer les étrangèr·es qui arrivent à propos de la situation dans la ville.
  • 7 août 2019 : rassemblement de véhicules militaires chinois à Shenzhen, ville frontalière à Hong Kong, car l’occupation de l’aéroport est qualifiée de « premiers signes de terrorisme » par le porte-parole du bureau des affaires de Hong Kong et Macao, Yang Guang.
  • 4 septembre 2019 : retrait du projet de loi sur l’extradition par la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam.
  • 4 octobre 2019 : interdiction du port de masque lors des manifestations.
  • 24 novembre 2019 : élections locales qui remportées par les démocrates.

Chiffres clé :

  • 7,5 millions d’habitant·es à Hong Kong dont 93% qui sont d’origine chinoise (2018).
  • 90% de la population parle le mandarin.
  • 50% des hongkongais·es n’ont pas de religion particulière, 35% sont taoïstes, confucianistes ou bouddhistes et 11% sont chrétiens.
  • 1 million de personnes ont participé à la première grande manifestation.
  • Le PIB de Hong Kong a reculé de 3,2% au 3ème trimestre de l’année 2019.
  • 1 hongkongais·e sur 7 se mobilise lors des manifestations.
  • 5000 manifestant·es ont bloqués l’aéroport international le 12 août 2019.
  • Entre mars et août 2019, plus de 800 personnes se sont faites arrêtées.
  • Des dizaines de blessés, dont 3 par balles, depuis le début des contestations.

Qui est Joshua Wong ?

Âgé de 22 ans, Joshua Wong s’oppose au pouvoir pro-Pékin et est engagé en faveur de la démocratie depuis 8 ans. Lors des différentes manifestations, il est emprisonné à 4 reprises. En 2011, il fonde le parti Scholarism qui est contre une réforme scolaire d’éducation « nationale » par un gouvernement favorable à Pékin, dans laquelle le gouvernement chinois souhaite instaurer des cours de patriotisme dans les manuels scolaires. En 2014, il est l’une des figures emblématiques de la révolution des parapluies, menant un groupe d’étudiant·es important lors de ce mouvement. Par la suite, il est nommé au prix Nobel de la paix en 2018, aux côtés de deux autres activistes, Nathan Law et Alex Chow. Cette décision a été prise par les membres du Congrès américain « en reconnaissance de leurs efforts pacifiques pour amener des réformes politiques et une autodétermination à Hong Kong ». Lors des nouvelles contestations de 2019, Joshua Wong, qui occupe une place importante lors de celles-ci, souhaite se présenter aux élections de Hong Kong. Cependant, il y est interdit par le gouvernement de Pékin, qui a encore le contrôle sur les candidat·es. Un documentaire disponible sur la plateforme Netflix, Joshua teenager vs superpower, résume son combat depuis 2011, notamment lors de la révolte des parapluies. Attention cependant : certaines images de ce reportage peuvent choquer (images de violences).

Journal d’une étrangère au cœur des manifestations

Pendant les vacances d’été, j’étais en vacances à Taïwan, passant 3 jours à la fin de mon séjour à Hong Kong, au cœur des manifestations. Voici mon ressenti :

« Vendredi 9 août 2019, Hong Kong

Nous sommes arrivé·es ce matin à Hong Kong. Nous savions que les manifestant·es occupaient l’aéroport, mais, jusqu’à aujourd’hui, nous ne les voyions que dans les journaux. C’était impressionnant ! Pour sortir de l’aéroport, nous devions nous faufiler entre les manifestant·es vêtu·es de noir et brandissant des pancartes. De nombreux·ses manifestant·es distribuent des tracts pour nous informer de leur situation. « Fight for freedom, stand with Hong Kong ! », voilà ce qu’ils et elles répétaient. Un slogan qui dit tant de choses sur leur combat.  Aucun mouvement de foule n’a été constaté dans l’aéroport, les protestataires nous aidant même à retrouver notre chemin.

Après être arrivé·es à l’hôtel, nous nous décidons à partir à la découverte de la ville. En arpentant les rues, nous découvrons de nombreuses pancartes accrochées aux murs. Des caractères chinois, le slogan qu’ils et elles n’ont cessé de répéter ce matin et divers dessins décorent les façades. Je pense que ce qui m’a le plus touché, ce sont les banderoles faites par les enfants sur lesquelles ils demandent la paix et que les manifestations cessent.

Fatigué·es par notre journée, nous rentrons à l’hôtel. Cependant, voulant visiter le quartier dans lequel nous résidons de nuit, nous décidons de sortir une nouvelle fois. Seulement, c’est impossible ! Nous devons rester confiné·es dans l’hôtel qui est barricadé car les manifestant·es se situent à quelques pas et la police utilise des gaz lacrymogènes. La visite de la ville de nuit ne sera donc pas pour ce soir ! 😉

Lundi 12 août 2019, Paris

Hier, nous avons décollé pour Paris. Notre retour fut riche en rebondissements ! Il est 19 heures quand nous décidons de quitter l’hôtel pour l’aéroport. Cependant, nous voyons l’hôtel confiné comme les soirs précédents. Nous expliquons que nous avons un avion à prendre et qu’il faut absolument que nous sortions. Une fois dehors, le personnel hôtelier nous indique que nous ne pourrons pas avoir de taxi mais que si nous marchons quelques mètres, peut-être que l’un d’entre eux pourra nous prendre. C’est ainsi que 15 minutes plus tard, nous nous retrouvons dans une voiture ayant pour destination l’aéroport. J’entends les manifestant·es à quelques rues de nous. Et, quelques minutes plus tard, notre voiture est immobilisée par les manifestant·es, avec des casques de chantier ainsi que des masques à gaz, qui changent d’endroit. J’ai peur, mais en même temps je me dis que le chauffeur paniquerait plus s’il y avait un réel danger. Nous voyons quand même les gaz lacrymogènes au bout de la rue et nous entendons les tirs de la police.

Après quelques temps de route, nous sommes enfin arrivé·es à l’aéroport. J’ai l’impression qu’il y a encore plus de manifestant·es que lorsque nous sommes arrivé·es ! En voyant la foule, je suis étonnée par la diversité de celle-ci : hommes, femmes, enfants, personnes âgées et même des animaux sont regroupé·es pour une cause identique. Les manifestations en ville regroupaient surtout des jeunes ayant environ une vingtaine d’années. Une nouvelle fois le slogan « Fight for freedom, stand with Hong Kong » est crié. Nous croisons aussi des manifestant·es qui nous abordent pour nous parler de ce qu’ils vivent et, surtout, des violences policières.

Voilà sur quoi s’est fini notre voyage : sur un moment très fort dans l’histoire de cette ville que j’affectionne. J’espère qu’ils et elles réussiront à garder leurs libertés et que les manifestations cesseront. »

Par Sidonie Rembado, TES2

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