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Picasso et ses démons

Entre Barcelone, Malaga ou Paris, les musées Pablo Picasso témoignent du génie artistique de ce peintre majeur du XXe siècle. Mais si les musées exposent le côté brillant et novateur de l’artiste créateur insatiable, ils laissent souvent dans l’ombre la personnalité controversée de l’homme violent, destructeur, et humiliant avec ses nombreuses compagnes qui furent ses muses et sources d’inspiration. 

Pablo Ruiz Picasso, né en 1881 à Malaga, a marqué l’histoire de l’art. Il a suscité l’admiration tant par la diversité de son talent – c’était un artiste complet : peintre, dessinateur, sculpteur ou encore céramiste – que par les ruptures esthétiques qu’il a su provoquer. L’artiste a connu différentes périodes artistiques : la période bleue (car cette couleur domine alors dans ses toiles) de 1901 à 1904, puis la période rose de 1904 à 1907 ou encore la période du retour au classicisme entre 1918 et 1925. Ces différents moments dans l’oeuvre correspondent à la fois à l’humeur du peintre mais aussi aux femmes qui l’ont inspiré à ces différents moments de sa vie. Car art et vie personnelle de l’artiste sont intimement liées. Et côté coeur, la vie de Picasso est un véritable tourbillon.  

La vie du maître andalou compte sept grandes figures de femmes, chacune marquant un moment de sa carrière et sa présence se reflétant dans son art. Tout d’abord Fernande Olivier, de son vrai nom Amélie Lang, inspire la mélancolie présente dans la période bleue ainsi que la douceur de la période rose. On l’aperçoit dans le célèbre tableau Les Demoiselles d’Avignon (1907), l’œuvre qui jeta les bases de la révolution cubiste. 

Puis Picasso rencontre Eva Gouel, que l’on retrouve sous les formes cubiques des tableaux de son amant. Celle-ci meurt en 1915, laissant Picasso dévasté. Il fait alors la connaissance de la danseuse Olga Khokhlova, future Olga Picasso, qui donnera naissance à son premier fils en 1921 : Paulo. Menant alors une vie de famille heureuse, Picasso représente son fils dans de nombreuses toiles comme Paul en arlequin. Mais le couple se sépare en 1935. Dès 1927, alors qu’il était encore avec sa première femme, Picasso fréquente Marie-Thérèse Walter, qui était mineure lors de leur rencontre. Cette nouvelle compagne, de 28 ans sa cadette, devient une source d’énergie créative pour le peintre. Elle lui inspire notamment le tableau Le Rêve et donne naissance à une fille, Maya en 1935. La jeune-femme décrit Picasso comme un homme “à la fois tendre et impitoyable” (lors d’un entretien avec le journaliste Pierre Cabane). 

Mais le couple connaît des hauts et des bas car Marie-Thérèse Walter vit mal les tromperies de l’artiste avec Dora Maar, une photographe réputée, liée au mouvement surréaliste. Picasso quitte finalement la mère de son deuxième enfant pour vivre jusqu’en 1943 avec Dora Maar, devenue sa nouvelle muse. Alors que Marie-Thérèse était l’amante douce et agréable, Dora incarne l’excitation et le risque. Sa personnalité magnétique et son intelligence captivèrent le peintre, qui lui dédia de nombreux portraits : ces œuvres, d’influence cubiste, se caractérisent par l’emploi de formes distordues et de traits anguleux, qui reflètent le caractère imprévisible de Dora. Elle fut son modèle pour ses œuvres politiquement engagées, notamment Guernica dénonçant la brutalité de la guerre, où il l’oppose avec Walter, chacune d’un côté du tableau. Ou encore dans La Femme qui pleure, symbole de la montée en Europe des totalitarismes. Mais au-delà des symboles se cache une réalité plus prosaïque. « Picasso l’humiliait quotidiennement, il la frappait et parfois jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. La série Femme qui pleure la présente sous les traits cubiques d’un visage déformé par la douleur et l’angoisse», affirme Julie Beauzac, historienne de l’art.

Après la Seconde Guerre mondiale, Picasso met fin à sa relation avec Dora Maar et commence une nouvelle vie avec Françoise Gilot, qui lui donnera un fils Claude en 1947, et une fille Paloma en 1949. Puis cette dernière le quitte et publie un livre Vivre avec Picasso, qui fait alors scandale car elle y raconte son quotidien parfois douloureux et la violence qu’exerçait Picasso sur celles qui partageaient sa vie. Enfin, en 1954, un nouvel amour apparaît dans la vie de Picasso, Jacqueline Roque, ce sera le dernier. Selon Annie Maïllis, amie et biographe de Françoise Gilot, cette dernière « est la seule compagne de Picasso à l’avoir quitté, les autres sont devenues folles ou se sont suicidées. Elle, elle a sauvé sa peau et elle est partie », explique-t-elle, en faisant notamment référence à Marie-Thérèse Walter et Jacqueline Roque. 

Face à cette histoire intime complexe, une nouvelle génération de féministes tire à boulet rouge sur le grand peintre, refusant de dissocier l’homme et l’artiste, ou de séparer l’œuvre et l’auteur. 

Pour mon tout premier article, j’ai décidé de parler de Picasso. Lorsque je suis allée au musée Picasso à Barcelone, j’ai été émerveillée face au talent de cet homme. Sa diversité, sa technique et même sa passion pour l’art en général. Mais c’est en creusant un peu plus que j’ai trouvé d’autres infos qui ne transparaissent pas forcément à travers ses toiles. Et aujourd’hui, pas grand monde ne sait qui il était vraiment. Or j’estime que nous devrions connaître ces détails, notamment pour une personne aussi connue que Picasso. Je suis de l’avis que l’on peut faire la différence entre l’homme et l’artiste, car pour ce cas-là, j’aimerais pouvoir apprécier son art sans pour autant me sentir coupable vis-à-vis de ses femmes, mais ce sujet est bien plus profond et compliqué que ça. 

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