Paradoxe
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La rédac' Articles de fond

La Génération « image »

Il est estimé que nous sommes en moyenne exposé•e•s à 15 000 marques par jour. Que ce soit les publicités que nous voyons dans le métro ou sur YouTube, une affiche collée sur la tranche d’un bus ou sur la façade d’une boutique, allant même jusqu’à une virgule que l’on peut apercevoir sur le t-shirt d’un•e passant•e. En bref, la publicité est partout. 

En effet, les moyens de sa diffusion n’ont jamais été autant décuplés, liés à une hausse de la consommation due à la mondialisation, ainsi qu’à l’avènement d’Internet. Il est complètement fou, mais pourtant bien vrai, de se rendre compte à quel point chacune de ces images que l’on rencontre à longueur de journée influe sur notre façon de consommer. La plupart des jeunes aujourd’hui ne s’en rendent pas compte, car c’est comme ça que nous avons grandi. Vous vous souvenez de ces publicités pour My Little Poney, ou Lego qui passaient entre deux épisodes de Scooby-Doo ? On voyait les enfants de l’autre côté de l’écran vivre leur meilleure vie en compagnie de leurs jouets préférés. Et quand on voyait une figurine de la pub en rayon, on tendait le doigt vers la boîte de jeu, suppliant nos parents de l’avoir pour Noël. Tout ça pour dire que l’exposition fréquente aux publicités et à l’incitation à la consommation a toujours été présente, et n’a de cesse de croître. Ainsi, les publicités sont une forte incitation à la consommation, enrôlant toute la société presque contre son gré, dans une frénésie compulsive d’achat.

Il faut toujours consommer plus, pour avoir plus, pour « être mieux », qu’ils•elles nous disent. Ou en tout cas qu’ils•elles nous sous-entendent, en nous montrant des images de personnes tellement heureuses de posséder des choses. Bon, vous me direz, s’ils•elles tiraient tous•tes une gueule d’enterrement, personne n’aurait envie de leur ressembler. On nous dit qu’il faut rester jeune pour être bien dans son corps et garder sa beauté intacte. Le dictat de la beauté à l’occidentale appelle à cultiver la jeunesse physique, celle de la peau diaphane sans rides, des cheveux teints pour cacher les fils argentés, mais aussi la minceur. Prenez les publicités de crèmes anti-âge. Les publicitaires choisissent des mannequins qui n’ont pas de rides pour assurer l’effet escompté : la projection de la spectatrice devant son miroir échappant aux affres du temps. Et même la dame âgée de plus de 65 ans y croit et achète le produit qui la fait rêver pour rester dans la course aux côtés des quadras et quinquas. Le mensonge de l’image est avéré et pourtant les ventes de l’Oréal ne cessent de grimper. 

Si le sujet de l’image peut paraître très vaste et sans bornes, laissez-moi appuyer sur un point tout à fait nécessaire d’évoquer : celui de l’impact des réseaux sociaux. Je m’explique.

Le principe des réseaux est, comme vous le savez très certainement, exclusivement basé sur le flot d’images en continu. Prenons l’exemple d’Instagram, qui est pour moi le plus évident. Plus de 100 millions de photos et de vidéos sont publiées quotidiennement sur ce réseau. Il y a eu environ 1,082 milliard d’utilisateurs•trices actifs•ves mensuel•le•s en 2020 et les instagramers•euses passent environ 15 minutes par jour sur Instagram (ce qui est énorme parce que tous ne se rendent pas sur Instagram une fois par jour, ce qui sous-entend que ceux•elles qui y vont régulièrement — 63% des utilisateurs•trices — y passent beaucoup de temps). On est donc à longueur de journée confrontés à des centaines voire des milliers d’images.  Le problème ici, c’est qu’une photo postée sur les réseaux montre tout sauf la réalité. Tout sauf une vision honnête de ce qu’il y a derrière l’objectif de la caméra. La recherche constante de la beauté et de la perfection sous chaque post, cet idéal mis en valeur n’est qu’un écran de fumée.  Vous me direz « mais oui tout le monde sait que sur Instagram les photos sont retouchées, tout le monde sait que cette youtubeuse a mis une tonne de maquillage ». Mais il y a une différence entre savoir et intégrer complètement l’information. Parce qu’au final derrière son écran, on finit tous•tes par ajouter un énième like à la photo qui en comportait déjà 500, 750, 1000, 10 000… Et si on se dit « dans le fond, un like ce n’est rien, c’est seulement un double clic sur une image. », eh bien on se trompe. Qu’on le veuille ou non, les likes sous une publication semblent aujourd’hui définir la valeur des gens. L’image fait partie intégrante de notre identité ce qui fragilise émotionnellement les individus qui y sont confrontés.

 Quelqu’un qui a beaucoup de « j’aime » va se sentir aimé•e, validé•e, et les autres, de leur côté, vont avoir l’impression que cette personne vaut plus qu’un•e internaute qui a peu de likes par exemple. Et alors on se compare. C’est la course à celui•elle qui postera la meilleure image de lui•elle-même pour être sûr d’avoir plus de likes et de commentaires que les autres. On se prend sous son meilleur angle pour avoir l’air le•a plus proche de la beauté factice présente sur les réseaux.  Mais quand on en a moins, on se remet en question, on se dévalorise. Alors qu’ils représentent seulement un double clic effectué à la va-vite par des personnes qui, la plupart du temps, ne passent pas plus d’une seconde et demie sur la publication qui vous a fait perdre deux heures de votre journée à retoucher dans les moindres détails. Cette image que l’on veut renvoyer de nous-mêmes finit par nous rendre prisonnier•ère de la fausse identité que l’on se crée. 

Toutes ces images influent, qu’on le veuille ou non, sur notre façon de vouloir nous habiller, nous maquiller, nous comporter, mais aussi de nous percevoir, de percevoir notre propre corps. Cette image virtuelle que les gens donnent d’eux-mêmes, et qui se répercute sur leurs manières de se comporter et s’habiller en société par la suite, est un moyen de se protéger. Vous me direz, mais de se protéger de quoi ? Eh bien tout simplement du rejet des autres. Inconsciemment on pense que si l’on ne rentre pas dans certains critères, on va être moins bien vu•e, et surtout moins apprécié•e. 

Mais je vais vous dire, courir après la beauté idéale, le corps idéal, c’est comme courir derrière une voiture qui roule à 130km/h : en plus d’être épuisant, c’est inatteignable. Bien sûr, si vous prenez un selfie avec la voiture qui roule au loin, vous pouvez donner l’impression de la toucher du doigt sous un certain angle. Mais la réalité, c’est que vous ne l’aurez jamais touchée.

Alors il ne me reste qu’une seule chose à vous dire, à te dire, toi qui m’a lue jusqu’ici : ne te laisse pas détruire mentalement par ces images. Cette société du paraître te fait croire qu’il est nécessaire que tu te donnes l’air beau•belle pour avoir de la valeur. Mais tu ne te sentiras pas mieux une fois que tu auras donné l’impression aux autres d’en valoir la peine. Tu vaux beaucoup, c’est tout. Tu n’es pas ton corps, ta valeur ne dépend pas de sa représentation sur les réseaux, ou même de l’image que tu veux en donner dans la vraie vie. Tu n’as de comptes à rendre à personne, ton bien-être ne peut que dépendre de ta propre acceptation de toi-même. 

Mélissa Lauri T3

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