Paradoxe
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Dossier matière scolaire

Société : la symbolique des cheveux

Il y a peu, je me suis rasé le crâne. Sur ma tête dénudée, restaient quelques millimètres de cheveux.

Les premières réactions n’ont pas tardé : pourquoi as-tu coupé tes cheveux ? Oh, non, pour une fille, cela fait bizarre… Es-tu malade ? Véritablement, cela te va mieux, maintenant qu’ils ont repoussé. Ah, j’adore, jamais je n’aurais eu le courage. Est-ce un acte de rébellion ?

Cette dernière question m’a intriguée. Pourquoi couper mes cheveux aurait une portée émancipatrice ?

Moi-même, je n’avais pas pleinement conscience de ma décision. Je l’appréhendais plus comme un de mes énièmes caprices stylistiques qu’en tant que revendication sociale. Cependant, à mesure que j’évoluais à travers notre société avec ce nouveau visage, je me rendis compte des mutations que subit mon comportement.

Ma garde-robe se fit plus assumée, mon langage, moins consensuel, mon état d’esprit, plus conquérant, et enfin, mes idéaux, plus précis. En somme, je pris conscience de ma position en tant qu’être humain dans le monde qui m’entourait. Je me suis réappropriée mon corps, ma personnalité, ma situation.

Pourquoi ce réveil soudain ? La tondeuse ne m’a pas donné la science infuse mais la capacité à m’affranchir des dogmes sociaux, des attentes sexistes pesant sur le dos des femmes.

En effet, la chevelure cristallise de nombreuses aberrations patriarcales. D’abord signe de bonne santé, par extension de fécondité, les cheveux se sont progressivement mués en un reposoir du désir masculin. Les corps se sont cachés, la tignasse a pris le relais d’attiser l’imaginaire viril. Arme de séduction massive, elle est devenue la cible principale des institutions oppressives, accusant la vile femme de détourner l’homme de ses devoirs en agitant ses cheveux.

Il faut alors cacher, raser, détruire. Les tondues de l’Après-Guerre ? Leur dignité bafouée pour cause de collaboration horizontale. Les Indiennes dont les cheveux et le visage sont brûlés à l’acide ? Leur beauté, leur apparence, dérobée.

A cet instant, vous vous apitoyez sur le sort de ces jeunes femmes. Cependant, ne voyez-vous pas le problème ? Toutes ont perdu une part de leur identité à travers un objet superficiel, défini comme parangon de la féminité par des hommes à la calvitie dévorante. Elles sont soumises, même dans la tragédie, au regard de leur mari, frère, père, tuteur. Aux hommes.

Se couper les cheveux, c’est hurler notre indépendance vis-à-vis de ce regard lubrique et oppressif. Raser sa sacro-sainte chevelure, c’est dire : j’existe pour moi et non pour les autres. Je suis plus qu’un corps, qu’un sujet de désir. Je suis moi. 

Par Inès Olivié, TS2

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