Paradoxe
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Billets d'humeur

Au-revoir, décennies volages

Années 2000. Notre entrée dans le monde, tou·tes fripé·es et roses. Agitant nos poings, ridiculement petits, à grand renfort de pleurs et de cris. Chancelant·es, nous ébauchâmes nos premiers pas, nos premiers mots, nos premiers souvenirs.

Nos parents nous tinrent par la main lorsque nous dûmes passer le porche inquiétant de la maternelle. Le parfum des feutres mal rebouchés et de la craie embaumant nos cartables. Que nous préparions avec application la veille au soir. Excité·es de retrouver les tables couvertes de crayons, la cour gigantesque, les kaplas renversés sur le tapis décoré de routes grotesques. Qui, progressivement, laissèrent place aux cahiers emplis de tâches dʼencre. Surplombant de maladresse nos écritures tremblantes.

L’école primaire. Si fièr·es d’avoir atteint l’âge de raison. Sept ans. Les dents tombent en pièces sonnantes et trébuchantes. Enveloppé·es de candeur fuyante, les mythes, qui nous berçaient jadis, s’évaporent en volutes de rébellion enfantine. Grandir. L’unique mot que nous avions aux lèvres. Tandis que les jurons, volés au détour d’une conversation secrète entre adultes, étaient vomis avec fierté. Certain·es se pavanaient, accroché au cou le stigmate de l’audace. Le reste s’effaçait. Nonchalamment. Entre bonbons acidulés et brocolis insipides. Les jours se plantèrent des premiers chagrins, des premières joies, des premières colères. Amitié enroula ses tentacules autour de nos cœurs : tu es sien·ne dorénavant. Au détriment de la famille, dont la laisse se fait de plus en plus irritante. Les copies se multiplièrent. Rouges de corrections et de notes baveuses qui nous faisaient pleurer. Nous nous réfugions alors dans nos jeux. Abri d’une râpeuse réalité contre nos esprits tendres. Le grain des livres épousa la pulpe de nos doigts. La lumière bleutée des consoles assécha nos yeux. Le charbon des crayons macula nos paumes. La boue des chaussures salit nos mollets. Jamais taries, les larmes étaient séchées avec désinvolture, au creux d’une manche crasseuse. Éraflures sur les coudes, bleus sur les genoux. Signes d’après-midi sereins. Sans nuage obscurcissent l’horizon. Ceux-ci s’amassèrent plus tard. Quand l’inscription COLLÈGE s’engouffra dans nos existences.

Années 2010. Que de professeur·es. Que d’élèves. Que de visages peu familiers. Début des dossiers à former. Les résultats commencèrent à compter. Félicitations. Compliments. Encouragements. Avertissement. Ces sentences volaient lourdement sur nos têtes. Vautours avides de la curiosité ingénue que nous possédions. Sur les visages perdant leurs joues, les cernes se creusèrent. Les moues boudeuses aussi. L’autorité devint pénible. Chape insupportable d’un intermède temporel. Mi-enfant, mi-adulte. Beaucoup de contraintes, peu de privilèges. Tapies dans nos cerveaux, les angoisses se lovèrent paresseusement. S’entortillant autour de nos neurones. Les asphyxiant à petits feux. Certains virent leurs yeux se voiler d’un linceul. La lumière perçant avec difficulté les paupières arrimées. Arides. Alors que les pensées se distordaient, les cœurs s’emballaient. Émois timides d’adolescent·es qui se découvraient. Leurs désirs nouveaux battant la tempe. Tambour triomphant d’un avenir qui palpite entre les doigts. Celui qu’on nous imposa de museler si tôt.

Fin de la décennie : le lycée. 2020, promotion du bonheur, logée dans ce miroir mathématique. Bac. Bac. Bac. BAC. BAC. Lancinante comptine. Qui danse autour des colonnades de chiffres. Mesurant implacablement nos capacités à faire et non défaire. Malgré la peur d’un futur incertain, les épaules s’élargirent. S’assumèrent. L’œil se fit plus brillant. Sous l’aile duveteuse des amitiés profondes, un brasier ronflait. Celui d’une fougue contenue, que des années folles allaient libérer. A l’aube d’une décennie vierge. Où tout est encore à construire.

Par Inès Olivié, TS2

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