Paradoxe
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Tribunes

La peur

Je rentrais, il était tard, il faisait nuit. Écouteurs dans les oreilles, je n’entendais plus le tap tap régulier de mes chaussures sur le béton froid. Mes pensées s’étaient égarées, si bien que je marchais mécaniquement les yeux tournés vers moi-même sans réellement voir ce qui se passait autour. Soudainement choc, brusque retour à la réalité car surgit devant moi une ombre menaçante. Ma respiration s’accélère et je me retourne précipitamment pour lancer un regard affolé derrière mon épaule. Ce n’est qu’un homme. Nul danger. Mon cœur se calme et je poursuis ma route encore un peu troublée ; je ne comprends pas pourquoi la silhouette masculine m’a fait si peur. 

Peut-être parce qu’on m’a appris à avoir peur. Ne rentre pas trop tard. Ne rentre pas seule. Essaie de rentrer avec un garçon. Ne te fais pas remarquer. C’est dangereux. Fais attention. Envoie-moi un message quand tu es arrivée. Peut-être parce qu’on m’a appris que j’étais un être vulnérable, impuissant, que je n’étais qu’une proie ; mais je refuse ce statut.

Je refuse de céder à la peur, alors je marche résolument dans les ruelles mal éclairées, dans les métros abandonnés. Je ne considère pas mon voisin comme un danger potentiel mais juste comme un individu avec lequel je partage tardivement un trottoir. Seulement parfois j’oublie et la peur monte, acide. 

Je ne devrais pas avoir à refuser d’avoir peur. Je ne devrais pas avoir peur. Mais en même temps je devrais peut-être m’inquiéter un peu plus car les histoires d’agression sont bien réelles, elles sont là partout autour de nous. Alors que faire ?

Il n’y qu’une seule solution, il faut que tous les individus et particulièrement les femmes et les trans n’aient plus besoin d’avoir peur. Il faut qu’iels puissent se sentir en sécurité partout et tout le temps, et cela nécessite de s’impliquer, tous et toutes, dans la lutte.

Par Clémentine Ligouy (TL)

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